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SCIENCES HUMAINES

Les sciences sociales

Sous l'effet du développement industriel, le centre d'intérêt s'est déplacé. Pour l'auteur de Wilhelm Meister, la vocation pour le commerce et la gestion des affaires est digne d'être comparée à la vocation pour les lettres et les arts. La culture humaniste s'intéressait aux œuvres de l'esprit et aux formes d'expression ; les sciences sociales vont prendre en considération les activités humaines, leurs formes d'organisation, politiques ou économiques. Les conditions du comportement des hommes vivant en société peuvent être de différentes sortes : linguistiques, psychologiques, économiques, démographiques, idéologiques... ; mais, ce qui les réunit dans un même ensemble, c'est leur commune référence à l'activité des hommes qui est devenue objet d'investigation empirique dans la mesure même où l'intention (plus précisément l'action intentionnelle) ne suffit pas à en rendre compte.

La « notion de comportement »

Mais que veut-on dire quand on caractérise les sciences sociales comme des sciences du comportement ?

Le comportement est la manière d'agir, le genre de transformation qu'opère une chose dans un certain contexte. Ainsi un acide au contact d'un métal se « comporte » de telle ou telle manière. Peut être appelé « comportement » tout changement qui n'est pas seulement subi de manière accidentelle, mais qui est caractéristique des propriétés d'un agent ou de la structure interne d'un système sans être simplement subi de manière accidentelle. Il s'agit donc d'une catégorie plus large que l'action intentionnelle ou comportement dirigé vers un but. L'action pose à l'acteur un problème pratique de décision quant à la fin et aux moyens. C'est pourquoi le mot « action » appartient traditionnellement au vocabulaire de la morale et du droit. Pour souligner le contraste entre l'appréciation normative et la description positive, on a forgé l'expression « science des mœurs ou du comportement ». Tirant au lendemain de la Première Guerre mondiale toutes les conséquences de cette opposition les behavioristes ont rejeté l'idée d'action qui leur paraissait liée à une explication finaliste. Mais le débat entre mécanisme et finalisme laissait dans l'ombre le problème des structures logiques du raisonnement pratique. Les économistes, par exemple, ont à analyser des décisions, des échelles de préférence, des modèles de rationalité de l'action. Aujourd'hui, il est plus communément admis que les sciences du comportement peuvent être des sciences empiriques de l'action. Deux sortes d'arguments peuvent être invoqués en faveur de cette thèse.

En 1966, dans un article intitulé « Concepts, théorie et explication dans les sciences du comportement » (reproduit dans Philosophie des sciences sociales, Paris, 1970), Paul Lazarsfeld a montré que l'hypothèse behavioriste ne voulait retenir à titre d'explication que des variables observables (stimulus-réaction) et que certains chercheurs comme Tolman furent néanmoins conduits à admettre des « variables intermédiaires » ou « latentes » correspondant à des dispositions, par principe inobservables. Dire qu'un être vivant est disposé à agir de telle ou telle manière, c'est dire qu'il ne réagit pas seulement à des stimuli extérieurs mais qu'il réagit à ses propres réactions grâce à des mécanismes correctifs d'autorégulation. Le comportement est donc un changement réglé. En outre, les concepts dispositionnels sont des notions théoriques sans référence directe à des événements observables ; ils ont le même degré d'abstraction que le conditionnel modal ou irréel (dire que le sucre est « soluble », c'est dire que si on le mettait dans l'eau, il se[...]

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