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SCIENCES Sciences et discours rationnel

Le type empirico-formel

Le modèle par excellence des sciences de type empirico-formel est fourni par la physique. À la différence des sciences formelles pures, qui construisent entièrement leur objet (ou, plus exactement, ne le découvrent qu'en le construisant), la physique se rapporte à un objet extérieur, qui est donné dans l'expérience empirique : la réalité matérielle, considérée dans ses manifestations non vivantes. De plus, elle a recours à des constructions théoriques, qui sont analogues à celles des sciences formelles, et qui utilisent du reste très largement des théories mathématiques. Il y a donc deux composantes dans la science physique : une composante théorique, de nature formelle, et une composante expérimentale, de nature empirique. On peut à bon droit parler à son sujet d'un savoir empirico-formel. La question essentielle que soulève un tel savoir est celle de l'articulation entre ses deux composantes. Le développement de la physique a fait voir de façon très évidente qu'on ne peut rendre compte du statut de la théorie physique dans les termes d'une doctrine de l'induction. La théorie n'est nullement le résultat d'une démarche de généralisation à partir de cas individuels. Elle est le produit d'une construction intellectuelle, dans laquelle peuvent intervenir des analogies suggérées par l'expérience, mais qui, comme telle, est indépendante des données empiriques et se laisse guider par des principes organisateurs qui sont eux-mêmes de nature formelle. (C'est ainsi que les « principes de relativité » jouent un rôle fort important dans l'élaboration des théories physiques. De tels principes ne fournissent pas un contenu, mais représentent une prescription quant à la forme de la théorie à construire : les relations fondamentales de celle-ci doivent être invariantes par rapport à certaines transformations.) À l'égard du domaine empirique à explorer, la théorie représente un véritable « a priori ». Mais il n'en reste pas moins qu'elle doit pouvoir s'appliquer à la réalité physique, qu'elle doit avoir une portée cognitive effective quant aux contenus empiriques. Il s'agit d'expliquer comment.

Il est utile, pour éclairer ce problème, d'examiner le fonctionnement de la physique du point de vue de l'analyse du langage. La physique utilise deux espèces de langage, l'un théorique, l'autre expérimental.

Le langage théorique contient des termes purement logiques, des termes mathématiques, et un certain nombre de termes, qu'on pourra appeler « descriptifs » pour les opposer aux précédents et qui correspondent au contenu proprement physique de la théorie. Au moyen de ces termes peuvent être formées des propositions. Dans le cadre de ce langage se trouve formulée la théorie proprement dite, qui consiste en une classe, engendrée axiomatiquement, de propositions du langage. Certaines propositions sont choisies comme axiomes ; elles expriment le contenu essentiel de la théorie. Les autres en découlent par application des règles de déduction couramment admises (éventuellement spécifiées). De ce point de vue, la théorie fonctionne comme n'importe quel système formel. Mais, pour avoir le statut d'une théorie physique, elle doit être munie d'une interprétation et, en outre, elle doit pouvoir être mise en relation avec le langage expérimental. C'est à ce niveau que se posent les problèmes les plus difficiles.

Selon le point de vue empiriste strict, qui caractérisait le néo-positivisme du début, les seuls contenus de connaissance que nous puissions acquérir nous sont donnés par les impressions sensibles. Seuls, par conséquent, les termes observationnels (correspondant à un contenu d'observation bien déterminé) ont un sens immédiat. Les autres termes descriptifs (non formels)[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)

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