SCIENCES Sciences et discours rationnel
La question de la scientificité
Quoi qu'il en soit, on peut se demander s'il est possible de dégager un critère général de scientificité, susceptible de s'appliquer à toutes les disciplines auxquelles on reconnaît la qualité de « science ». La notion d' opération semble pouvoir fournir une réponse, au moins de principe, à cette question. On retrouve l'intervention de l'opération, en effet, tant au niveau des démarches purement formelles qu'au niveau des démarches expérimentales, voire au niveau des constructions interprétatives. Cela suggère que l'intelligibilité, la crédibilité et l'efficacité propres du savoir scientifique lui viennent de son caractère opératoire, et que c'est en définitive ce caractère qui confère à la science son statut distinctif. Serait scientifique tout savoir qui aurait réussi à inscrire ses pratiques (constructives, déductives, expérimentales, évaluatives, voire fondationnelles) dans le cadre d'un jeu réglé d'opérations, c'est-à-dire de transformations régies par des schémas formels. L'élucidation des mécanismes fondamentaux des pratiques opératoires, telle que la logique combinatoire tente de la poursuivre, constituerait alors le programme par excellence d'une fondation scientifique de la science. Et l'on retrouverait la logique dans son rôle naturel d'instance fondatrice.
Mais, au-delà de cette problématique de nature logique, en apparaît une autre, de caractère philosophique : qu'est-ce qui donne à la démarche opératoire son efficacité ? comment s'explique la fécondité du savoir qu'elle fonde ? comment l'opération, caractéristique de la scientificité, s'accorde-t-elle à la nécessité structurale du « logos » d'une part, aux exigences de l'action humaine d'autre part ? Comme on l'a suggéré déjà, cette problématique ne peut être développée adéquatement que dans un horizon ontologique. Ce qu'il faudrait pouvoir rejoindre, c'est la genèse absolue de l'opération, son advenir dans le distanciement originaire qui produit l'étant. À partir de cette genèse on pourrait comprendre son rôle dans la constitution de la science et les caractères spécifiques de celle-ci ; ce serait là la tâche d'une véritable philosophie des sciences.
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Écrit par
- Jean LADRIÈRE : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)
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