SCULPTURE CONTEMPORAINE
Depuis l’exposition Whatis modern sculpture ? organisée en 1970 au Museum of Modern Art de New York par Robert Goldwater, l’interrogation sur la définition de la sculpture contemporaine revient avec insistance dans le champ de la critique et de l’histoire de l’art. « Qu’est-ce que la sculpture moderne ? » s’est demandé à son tour Margit Rowell dans l’exposition éponyme de 1986 au Centre Georges-Pompidou, en apportant à cette question une réponse aussi mémorable que contestable dans sa promotion d’une modernité en rupture radicale avec le passé. De fait, depuis les années 1960, que tout le monde s’accorde à reconnaître comme le début d’un temps nouveau de l’art, appelé art contemporain, les limites de « la sculpture à l’âge du soupçon » – selon le titre de l’ouvrage de McEvilley, en 1999 – ne cessent de diviser les historiens de l’art, les artistes et les commanditaires.
Les expérimentations commencées dès les années 1920 par Marcel Duchamp, Tatline, Moholy-Nagy, Schwitters ou Gabo et le succès international rencontré dans l’après-guerre par des sculpteurs tels que Giacometti, Brancusi ou Picasso ont contribué à dynamiser, voire ont révolutionné le champ de la sculpture moderne, qui s’est ouvert à des pratiques réellement nouvelles à cette période. Il est ainsi devenu impossible de dresser un strict balisage du domaine de la sculpture contemporaine, qui a connu une extension sans précédent, de l’assemblage à l’installation, de l’art de l’objet au land art, du recours aux nouvelles technologies à l’exploration de la lumière et de l’ombre, voire de pratiques purement conceptuelles. De plus, cet art utilise les matériaux les plus divers, du déchet à la substance périssable en passant par toutes les gammes des matières solides, liquides, gazeuses, minérales ou organiques. Piero Manzoni (1933-1963), pionnier italien de l’Arte povera, signa des corps humains pour les transformer en « sculptures vivantes », commercialisa sa Merde d’artiste (1961), qualifia de Sculpture dans l’espace un ballon pneumatique maintenu en l’air par un jet d’eau. Et, en fabriquant le Socle du monde (Hommage à Galilée, 1961), il alla jusqu’à métamorphoser conceptuellement l’ensemble de l’Univers en sculpture. Mentionnons également les sculptures corporelles, telles les One Minute Sculptures d’Erwin Wurm, ou conceptuelles, dépourvues de réalité technique durable, comme l’Itinéraire d’un rouge-gorge, sculpture (1969) du Néerlandais Jan Dibbets. « La sculpture dans son champ élargi », pensée par la théoricienne Rosalind Krauss dès 1979, entretient des liens spécifiques avec d’autres arts qui produisent des métissages aussi féconds que multiples, du cinéma sculpture à l’archi-sculpture en passant par les performances et les ballets, la vidéo-sculpture, la sculpture sonore, la photographie comme sculpture, les furniture sculptures…
Si les années 1960-1990 ont été une période d’expérimentations sans précédent, leur a succédé depuis 1990 un temps de réaffirmations contradictoires qui prouvent la vitalité actuelle d’un art qu’on pouvait juger moribond au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le sculpteur Arturo Martini déplorait dans son ouvrage La scultura lingua morta (1945) le dépérissement de la statuaire et de l’art monumental du premier xxe siècle.
Expérimentations et bouleversements, 1960-1990
Trois grands inventeurs de la sculpture moderne ont ouvert l’âge contemporain de la puissance de leur singularité esthétique, même si leurs œuvres n’ont pas connu de suite immédiate dans les années 1960. Constantin Brancusi (1876-1957) a compris, avec le Monument de Tirgu Jiu de 1938 et la série des Colonnes sans fin, la sculpture comme un art de la forme s’élançant dans l’espace à une échelle qui la rend potentiellement infinie. Alberto Giacometti (1901-1966)[...]
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Écrit par
- Paul-Louis RINUY : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII
Classification
Médias
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