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SCULPTURE L'espace sculptural

La sculpture et l'art

S'attachant à la « ressemblance » dont parle Alberti dans son De statua, mais tout autant Gabo inaugurant le constructivisme à partir de formes féminines, la sculpture tend à réaliser, chez l'enfant qui modèle le sable mouillé ou le berger provençal qui taillait ses santons, les caractères de la forme vivante, source de jouissance esthétique.

Seulement, dans cette correspondance organique, elle engage si nativement l'image, le signe, le volume du corps humain, qu'elle est encline à poursuivre la culmination esthétique, débouchant sur l'universel, le radical, le primitif. La peinture, plus mentale, glisse sans remords, à côté de ses avancées majeures, à des activités mineures de décoration ; du reste, elle l'a emporté sur la sculpture là où la décoration devenait envahissante, comme dans l'Europe d'après la Renaissance.

La Vénus de Willendorf - crédits :  Bridgeman Images

La Vénus de Willendorf

Cependant, seule vraie « voix du silence » – « le sentiment de la profondeur engendre le silence, noie les objets dans le silence », note Giacometti –, la sculpture est moins portée aux mises en question, où la peinture excelle. Comparés à la diversité et à l'audace des espaces picturaux, les espaces sculpturaux sont beaucoup moins nombreux et moins contrastés. Tantôt ils confortent des cultures de la stabilité (Afrique, Égypte, Grèce), tantôt ils fascinent le regard sur quelque chose de si profond qu'ils échappent presque à la particularité des civilisations (Vénus préhistoriques, xoana, Pietà Rondanini, femmes couchées de Moore). De même, les dires et les écrits des sculpteurs frappent par leur unanimité d'un bout à l'autre des continents et des siècles.

Aussi, à un moment où l'industrie, en substituant des processus aux objets, a déplacé tous les systèmes d'identification de l'organisme, le dispersement de la sculpture évoque un désarroi général : celui qui se traduit dans la montée de la schizophrénie, comme aussi dans la volonté, exprimée de divers côtés, de substituer à l'esthétique de la profondeur une esthétique des surfaces, à laquelle le peintre (ou le sérigraphe) est peut-être mieux préparé. Deux questions se posent alors. La sculpture, comme invitent à le croire certains de ses avatars urbanistiques, est-elle capable de se muer de centre en grille, en balise, en relais ? Et les transparences et décompressions structurelles et figuratives qu'elle favoriserait ainsi garantiraient-elles à l'homme une « image signe » suffisamment ferme pour lui assurer un corps et un monde ? Il faut verser à ce dossier le fait que des civilisations aient pu prospérer sans quasiment de sculpture, comme l'Islam. C'est donc qu'elle n'est pas le seul médium de ce que E. T. Hall appelle la « proxémique » du corps humain.

— Henri VAN LIER

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, professeur à l'Institut des arts de diffusion, Bruxelles

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Médias

Tête de reine, art africain - crédits : ni Schneebeli,  Bridgeman Images

Tête de reine, art africain

Moore dans son atelier - crédits : Chris Ware/ Hulton Archive/ Getty Images

Moore dans son atelier

La Vénus de Willendorf - crédits :  Bridgeman Images

La Vénus de Willendorf

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