O'CASEY SEAN (1880-1964)
Le plus grand nom du théâtre irlandais moderne. O'Casey (anglicisation de Shaun O'Cathasaigh), génie enraciné dans son Dublin natal, tire sa sève des détresses et des misères sociales, vécues avec une résignation héroïque et qu'il a observées, autour de lui, avec une indignation vengeresse. Dernier enfant d'une famille nombreuse, souffrant d'une demi-cécité, il n'avait reçu qu'une instruction très réduite ; il travaille chez un quincaillier, puis comme cantonnier, apprend à lire à treize ans et d'abord en gaélique. Il fait de la politique active : syndicaliste ardent, il joue un rôle de premier plan dans l'organisation de l'Irish Citizen Army en 1914, puis dans la terrible rébellion de Pâques 1916. Ces expériences forment la substance, la chair et le souffle de ses pièces, dont le réalisme photographique mêle le comique et le tragique, le vulgaire et le lyrique. C'est trop brutal pour le goût de l'Abbey Theatre qui refuse ses premiers essais, accepte L'Ombre d'un franc-tireur (The Shadow of a Gunman, 1923), mais rejette, sur le conseil de Yeats, La Coupe d'argent (The Silver Tassie, 1928), cause de manifestations violentes, car O'Casey y dénonce la guerre comme Wilfred Owen dans son poème Disabled, source de la pièce. Entre-temps, il avait produit Junon et le paon (Juno and the Paycock, 1924), chef-d'œuvre de vérité psychologique et de création d'atmosphère, et La Charrue et les étoiles (The Plough and the Stars, 1926), âprement condamné parce que révélant chez l'auteur un protestantisme pro-irlandais jugé insuffisant ; d'où la révolte de Sean O'Casey et son exil définitif en Angleterre. La « dépression » des années trente lui inspire Derrière les grilles (Within the Gates), son propre anticléricalisme On attend un évêque (The Bishop's Bonfire) joué à Dublin en 1955. Mais une certaine Irlande n'a pas désarmé et, en 1958, l'archevêque de Dublin refuse d'inaugurer le Festival par la célébration de la messe si The Drums of Father Ned (Les Tambours du père Ned) subsiste au programme. O'Casey obtempère, mais décourage toute représentation officielle de ses pièces en Irlande. Il n'y a, dans son attitude inflexible, ni morgue ni vanité, mais le refus de tout compromis face à la vérité et à l'art, qui doit en être l'image fidèle et totale. Une partie trop peu connue de son œuvre est constituée par les six volumes, vibrant de vie, de poésie et de couleur, de son autobiographie. Et ceux qui assistèrent au T.N.P. à la représentation des Roses rouges pour moi (Red Roses for Me, 1943) ne l'oublieront pas.
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Écrit par
- Louis BONNEROT : professeur honoraire à la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Média