SERLIO SEBASTIANO (1475-env. 1554)
Architecte et théoricien de l'architecture italien. Il fut l'élève à Rome de Baldassare Peruzzi qui lui légua ses notes et ses dessins. À Venise, où il se rendit sans doute après le sac de Rome de 1527, Serlio fut bien accueilli dans le milieu savant de Trissino, d'Alvise Cornaro, de Titien ; on le consultait comme un expert ; l'Arétin l'admirait sans réserve. Sur la foi de sa réputation, François Ier l'attira en France où il se rendit vers 1541. Cellini, qui l'y rencontra, le mentionna plus tard dans son traité sur l'architecture, mais en le donnant pour un plagiaire sans envergure. L'accusation fit long feu et reparut, particulièrement virulente, sous la plume de Lomazzo (Idea del tempio della pittura, 1590, chap. iv). Quant à Vasari, il a gardé sur Serlio un étrange silence. Les Français — Delorme, Philandrier, Goujon — le citent respectueusement mais brièvement. Serlio d'ailleurs s'est plaint lui-même qu'à la cour de France on n'ait eu guère recours à ses lumières. Il mourut à Fontainebleau, après une vieillesse difficile : quelques années auparavant, à Lyon, il avait dû vendre des fragments encore inédits de son traité sur l'architecture.
On signale peu de réalisations à l'actif de Serlio : quelques travaux à Venise, au palais Zeno (1531) et dans la salle du scrutin du palais des Doges (un plafond disparu), à Vicence au palais Migliorini ainsi qu'à la Casa Porto, où il édifia en 1539 un théâtre provisoire ; à Thiene, on lui doit le campanile du Dôme ; en France, il donna des dessins pour l'hôtel de Ferrare à Fontainebleau et pour le château d'Ancy-le-Franc (env. 1546). Son traité demeure l'essentiel de son œuvre. Il en commença la publication à Venise en 1537 et ne cessa d'y travailler jusqu'à sa mort. La forme en était très neuve : au lieu d'un discours suivi, accessoirement illustré de quelques planches, c'est une série de gravures commentées. Pour chaque édifice envisagé, on trouve un plan, une élévation, parfois même des coupes et des détails de modénature. Le texte en regard précise les rapports numériques, les modes d'assemblage ou la distribution des lieux. La démarche est empirique, les buts pratiques. Serlio y donne nombre de « recettes » commodes : comment déterminer un ovale, doubler une surface donnée, etc. Tout un livre, le septième, est consacré aux problèmes concrets posés par la restauration des vieux édifices, par l'adaptation des sites défavorables et par toutes sortes d'« accidents ». Rien donc qui rappelle le traité systématique d'Alberti ou les spéculations de Filarète et de l'auteur du Songe de Polyphile. On s'attache facilement pourtant à cet ouvrage, élaboré durant de longues années, et où se lisent parfois, en filigrane, des aveux autobiographiques : d'un livre à l'autre, Serlio se montre différent, influencé par des fréquentations variées, diversement préoccupé. Au livre II, sur la perspective, il se laisse aller à des souvenirs de jeunesse : car, fils d'un peintre de Bologne, Serlio commença par être lui-même peintre en perspectives ; et c'est par ce biais qu'il aborda l'architecture, à l'instar — il se plaît à le souligner — de Peruzzi, de Genga et même de Bramante. Vers 1511-1515, il séjournait à Pesaro, et c'est sans doute à cette époque qu'il fréquenta la cour d'Urbin, dont les divertissements et les pastorales lui ont laissé un souvenir ébloui ; passionné de théâtre, c'est avec un plaisir évident qu'il clôt son cours sur la perspective par des considérations sur les décors de la scène et ses trucs. Au livre III, c'est l'élève de Peruzzi qui nous apparaît, engagé dans l'étude approfondie de Vitruve et des ruines romaines : une autre période de sa vie. Tandis que la curiosité[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Sylvia PRESSOUYRE : conservateur des Musées nationaux, attachée de recherche au C.N.R.S.
Classification
Média
Autres références
-
ANDROUET DU CERCEAU JACQUES (1520-1586)
- Écrit par Jean GUILLAUME
- 967 mots
Jacques Androuet du Cerceau (appelé le plus souvent « Du Cerceau », dû au motif de l'enseigne de la boutique de son père qui était marchand de vin) fut à la fois un graveur, un dessinateur, un créateur d'ornements, un inventeur d'architectures réelles ou imaginaires et l'auteur du premier ouvrage...
-
ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L'architecte
- Écrit par Florent CHAMPY , Carol HEITZ , Roland MARTIN , Raymonde MOULIN et Daniel RABREAU
- 16 589 mots
- 10 médias
...Alberti (De re œdificatoria, entre 1450 et 1472, imprimé en 1485), de Francesco Colonna (Hypnerotomachia Poliphili... 1499), de Fra Giocondo (1511), de Sebastiano Serlio (éditions échelonnées entre 1537 et 1575), de Vignole (1562) et d' Andrea Palladio (1570). Louis Hautecœur a comparé les livres... -
LESCOT PIERRE (1510 env.-1578)
- Écrit par Yves PAUWELS
- 877 mots
Parmi les trois grands architectes français de la Renaissance classique, Pierre Lescot occupe une place à part, dans la mesure où, contrairement à Delorme et à Bullant, il n'est pas issu d'une famille de maçons. Bourgeois aisé à la vie sans heurts, Lescot fut un amateur éclairé et savant, féru...
-
ORDRES, architecture
- Écrit par Bernard HOLTZMANN , Claude MIGNOT et Éliane VERGNOLLE
- 13 359 mots
- 23 médias
...principes plus simples favorisent la mise au point de règles modernes. Les publications de Diego de Sagredo (Medidas del Romano, Tolède, 1526) et surtout de Sebastiano Serlio (Regole generali di architettura, Venise, 1537, qui deviendra le livre IV de son traité d'architecture) marquent la constitution de la... - Afficher les 9 références