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FRANCK SÉBASTIEN (1499-1542)

Historien, humaniste, esprit indépendant, Sébastien Franck fait entendre, dans la tourmente religieuse du xvie siècle, la voix de la tolérance et de la liberté de pensée. Seule importe pour lui la foi individuelle en un Dieu que n'emprisonnent ni les dogmes, ni les Écritures, ni les rituels, ni les théologiens. Ses courageuses prises de position, proches des options de Johannes Denck, lui attireront la haine des sectaires. Né à Donauworth, en Souabe, il étudie à Nördlingen, à Ingolstadt et à Heidelberg. Prêtre du diocèse d'Augsbourg en 1519, il quitte l'Église catholique, devient prédicateur évangélique (1525) et, trois ans plus tard, épouse Ottilie Behaim, sœur de deux disciples de Dürer, réputés pour leurs positions radicales. Auteur d'un traité contre l'ivrognerie, il adapte en allemand, en 1528, un ouvrage polémique d'Althamer contre le spiritualisme de Johannes Denck et, au nom de la rigueur morale, critique la justification par la foi suffisante. Cependant, en 1529, il se détourne du protestantisme orthodoxe et renonce à ses fonctions ecclésiastiques. Il séjourne à Nuremberg puis à Strasbourg, où il fréquente Michel Servet et Caspar Schwenkfeld. C'est là qu'il adhère aux thèses de Johannes Denck, rejetant les sacrements et professant une recherche du Dieu intérieur, qui n'aurait de compte à rendre à personne. Dans une traduction, ou plus exactement une adaptation, d'une chronique sur les Turcs, Cronica, Abconterfayrung [...] der Turkey (1530), il prophétise, au-delà de la diversité des tendances réformées, l'apparition d'une quatrième Église qui réunirait ceux qui vivent dans l'authenticité de leur foi.

Avec la parution, en 1531, de son œuvre maîtresse, Chronica, Zeytbuch und Geschichtbibel, les persécutions commencent. Érasme — dont le nom s'est trouvé mêlé à une notion d'hérésie qui, dans l'esprit de Franck, n'implique ni condamnation ni discrédit — le dénonce au Conseil de Strasbourg et intrigue auprès de Bucer pour le faire expulser. Franck se réfugie à Esslingen, où il vend du savon pour nourrir sa famille, puis à Ulm, où il devient imprimeur, jusqu'à ce que Melanchthon obtienne contre lui un arrêté d'expulsion en 1539. Il édite notamment un traité de Henri Corneille Agrippa et plusieurs œuvres personnelles, dont une satire, les Paradoxa ducenta octoginta, et une histoire d'Allemagne, Germaniae chronicon. Installé à Bâle, il se remarie en 1541, publie la même année une collection de proverbes, Sprichwörter, fréquente Sébastien Castellion et Jan van Brugge alias David Joris. Il meurt en octobre 1542.

La conception humaniste de Franck postule un renforcement de l'homme intérieur, où se manifeste la présence divine. La recherche d'une authenticité vécue, où la foi n'est autre que la quête de soi, aboutit à un rejet des contraintes extérieures, des conventions religieuses, des Églises en tous genres. Pour lui, les protestants n'ont fait que remplacer l'autorité pontificale par un « pape de papier » et la leçon des Écritures, dont il se plaît à souligner les incohérences et les contradictions, importe aussi peu que celle des théologiens. Dieu se manifestant dans les enchevêtrements de la nature humaine et de la nature terrestre, on a pu parler à son propos de panthéisme, mais l'originalité de Franck va plus loin, et la tournure quasi libertaire de ses conceptions débouche parfois sur une exaltation de l'individu où l'esprit religieux n'est plus guère que l'ardeur combative de la liberté. La société, placée sous l'autorité de princes qui sont causes de guerres, d'injustices, de misères et de tyrannies, lui paraît une monstruosité dont devrait venir à bout le royaume de Dieu conquis non hors de soi mais en soi-même. À propos des hérésies, auxquelles il consacre une part importante de sa [...]

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