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EMPIRE SECOND (1852-1870)

Le tournant des années 1860 et la lente libéralisation

Libéraliser : pourquoi ?

En France, l’heure est à une libéralisation, très progressive, de l’Empire. Le régime connaît en effet, en dépit de ses succès extérieurs, une forme d’essoufflement à partir de 1856. Le Corps législatif, quoique presque exclusivement bonapartiste, ne se montre pas aussi docile qu’on aurait pu le penser, en particulier sur les questions financières. Il n’hésite pas à critiquer les nouveaux impôts et les emprunts de plus en plus élevés ‒ 250 millions en 1853, 500 en 1854 et 750 en 1855 ‒ qu’il faut voter dans une conjoncture économique morose, sans compter la crue historique de 1856 dans l’Ouest et le Sud ou encore les scandales financiers impliquant des personnalités proches de l’empereur, à commencer par le comte de Morny, président du Corps législatif depuis le 14 novembre 1854 (et qui occupera cette fonction jusqu’à sa mort en 1865). L’opposition, en particulier républicaine, dénonce « l’argent facile » et bénéficie, dans ce contexte, d’une audience populaire qui s’élargit.

Attendre 1858 et le délai fixé par la Constitution pour renouveler la Chambre paraît donc risqué et Napoléon III opte le 29 mai 1857 pour la dissolution. Comme lors des précédentes législatives, la presse est muselée et une bonne partie des royalistes demeure en retrait. Les républicains, en revanche, progressent, comme le craignait le pouvoir. Après le scrutin des 21-22 juin 1857, le Corps législatif en compte cinq (le « groupe des Cinq ») ainsi que six députés « indépendants », tandis que l’abstention reste forte (35,8 %). Le pouvoir ‒ qui a renouvelé sa confiance à la quasi-totalité des députés bonapartistes sortants ‒ obtient néanmoins 89 % des suffrages.

Quelques jours avant l’ouverture de la session parlementaire a lieu l’attentat d’Orsini (14 janvier 1858). Cette atteinte à la vie de l’empereur et de l’impératrice à leur arrivée à l’Opéra de la rue Le Peletier précipite les choses à l’extérieur (sensibilisation de l’empereur à la cause de l’unification italienne, défendue par les conjurés), mais aussi à l’intérieur, où l’événement semble relancer une politique plus répressive. Il faut dire que, si le couple impérial sort indemne de l’explosion, l’attentat fait 12 morts et 156 blessés. Le 19 février 1858, les députés votent donc la loi de sûreté générale permettant d’interner ou d’exiler toute personne suspecte, en particulier celles ayant déjà subi une condamnation politique. Ses effets sont immédiats ‒ environ 2 000 arrestations et 400 déportations en Algérie ‒ mais de courte durée. Face au rejet de ce texte par l’opinion publique, qui y voit une nouvelle « loi des suspects », dans la lignée de 1793 et de la Terreur, Napoléon III a la sagesse de mettre cette loi en sommeil dès mars 1858, même si elle n’est officiellement abrogée qu’en 1870.

Le tournant de la libéralisation qui s’amorce en 1859-1860 se justifie encore par la nature plébiscitaire du régime : sans un appui massif de la population, pas de légitimité. Or, certains des soutiens obtenus à l’origine commencent à faire défaut. La politique italienne de l’empereur le prive largement de celui des catholiques en dépit d’une politique étrangère de protection des intérêts chrétiens propre à les séduire (en Syrie ou en Extrême-Orient). Il faut dire qu’en parallèle, Napoléon III opte pour la fermeté à l’égard de la presse catholique, en particulier L’Univers de Louis Veuillot, organe des ultramontains, suspendu le 29 janvier 1860 (jusqu’en 1867) pour avoir publié, sans l’autorisation du gouvernement, une lettre du pape Pie IX condamnant la politique française en Italie. Après les catholiques, ce sont les membres de la grande bourgeoisie d’affaires, les industriels et les grands[...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire, chercheuse associée au Centre d'histoire culturelle des sociétés contemporaines de l'UVSQ/université Paris-Saclay

Classification

Médias

Coup d’État du 2 décembre 1851 - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Coup d’État du 2 décembre 1851

L'Impératrice Eugénie et ses dames d'honneur, F.X. Winterhalter - crédits : Print Collector/Getty Images

L'Impératrice Eugénie et ses dames d'honneur, F.X. Winterhalter

Second Empire, économie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Second Empire, économie

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