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SECTES ET CATHOLICISME

Les sectes face à Rome

Au regard du catholicisme sur les sectes, n'oublions pas que répondent les regards de celles-ci sur Rome.

La position unique du pape lui vaut une place privilégiée dans l'imaginaire de plus d'une secte. À la suite de certains réformateurs, bien des sectes chrétiennes ont été portées à voir en lui un Antéchrist (peu enviable privilège qui lui a généralement été ravi depuis lors par d'autres candidats plus vraisemblables). À l'inverse, le pontife romain apparaît aux yeux des dirigeants de plusieurs nouveaux mouvements religieux venus d'Orient comme le représentant le plus prestigieux du christianisme : nombre de ces groupes diffusent avec satisfaction la photographie de leur maître spirituel serrant la main du pape — un peu comme un gage de légitimité et de respectabilité...

Aucune secte chrétienne ne peut éviter les interrogations posées par l'existence même de l'Église romaine, en raison de l'antériorité historique de celle-ci. Une exégèse classique y a vu l'Église apostate, la grande Babylone de l'Apocalypse. Aujourd'hui, cependant, on voit plus fréquemment le thème de Babylone étendu à l'ensemble des Églises et religions, au syncrétisme et à l'œcuménisme (ce dernier est perçu comme une douteuse entreprise de confusion doctrinale — pas seulement au sein des sectes, d'ailleurs, mais aussi dans des franges conservatrices des « grandes Églises »).

En Occident, dans l'ensemble, les polémiques anticatholiques de la part des sectes chrétiennes semblent avoir perdu un peu de leur virulence (à la mesure sans doute d'une plus grande ouverture de l'Église catholique et du relatif déclin de sa puissance — car ces polémiques pouvaient être aussi des réactions de défense face à la menace réelle ou supposée d'aspirations hégémoniques). Elles n'ont cependant pas partout disparu : chez les Témoins de Jéhovah, comme dans d'autres groupes, le catholicisme reste fréquemment assimilé à l'idolâtrie, aux compromissions avec les pouvoirs politiques et financiers, à une attitude d'éloignement par rapport au message biblique.

Jusqu'à une époque récente, les sectes étaient considérées comme un phénomène américain et protestant. Leur origine américaine, les sacrifices consentis par leurs adeptes et les contributions des « ennemis du christianisme » leur valaient de disposer « d'énormes sommes d'argent », affirmait le prêtre suisse J. Böni en 1925. Quant à leurs racines protestantes, ne prouvaient-elles pas le caractère foncièrement fissipare des Églises issues de la Réforme, impuissantes devant la mise en application du principe de libre examen et réduites — toujours selon Böni — à voir dans cette prolifération un signe de vitalité ?

À l'opposé, en 1951, un pasteur protestant, auteur d'un ouvrage sur les sectes, discernait dans l'Église romaine des caractéristiques « sectaires » en raison de son exclusivisme. Et un répertoire d'associations « antisectes » publié en 1986 par des chrétiens évangéliques américains permet de découvrir que certains de ces groupes incluent les catholiques au nombre des croyants égarés qu'il s'agit de ramener sur le bon chemin...

La secte est toujours l'autre. Nul groupe religieux ne se définit comme « secte » : il est classé comme tel par rapport à une norme religieuse « établie ». Dans cette perspective, l'Église catholique romaine pouvait se sentir plus justifiée que toute autre institution ecclésiastique occidentale à utiliser ce mot pour l'appliquer à des groupes religieux ne se trouvant pas en communion avec elle. Mais, demain, si la situation de pluralisme croissant qui marque nos sociétés se confirme, si l'adhésion à une Église relève de plus en plus d'un choix personnel et de moins en moins des hasards[...]

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