SECTES
Sectes et société dans le contexte contemporain
Les multiples visages du protestantisme
Sur le continent européen, et notamment en France, l'instauration progressive de la liberté religieuse tout au long du xixe siècle a permis le développement de mouvements non conformistes, généralement de souche protestante, qui introduisaient une concurrence à la marge des grandes Églises. C'est contre ces mouvements, qualifiés de sectes par les Églises établies, et en premier lieu l'Église catholique, que des controverses sont apparues à la fin du xixe siècle.
Après la Seconde Guerre mondiale se sont manifestées à nouveau de vives polémiques contre ce qui était présenté par divers auteurs religieux comme une « offensive des sectes ». Étaient visés principalement les mennonites, les quakers, les baptistes, l'Armée du salut, les pentecôtistes ainsi que d'autres mouvements, d'origine américaine cette fois, qui se sont diffusés en France à la faveur de la reprise des relations avec le monde anglo-saxon après 1945 (mormons, adventistes, Témoins de Jéhovah, Science chrétienne).
La polémique contre les sectes se définissait alors essentiellement en termes de lutte sur le terrain doctrinal : l'Église catholique analysait les sectes sous l'angle de l'hérésie et de la fausse doctrine ; quant aux rationalistes et aux libres-penseurs, ils y voyaient la manifestation exacerbée d'un irrationalisme en germe dans toute religion.
Aujourd'hui, la plupart des mouvements ci-dessus évoqués sont rarement qualifiés de sectes dans le sens péjoratif indiqué plus haut : l'opinion publique se désintéresse d'eux et les grandes Églises – hors certains secteurs ultra conservateurs – ont peu ou prou admis la légitimité du pluralisme religieux. La seule exception notable à cette reconnaissance des « sectes anciennes » a été celle des Témoins de Jéhovah, mouvement dont l'expansion se poursuit (environ 200 000 fidèles en France aujourd'hui) et qui a été principalement attaqué pour son refus des transfusions sanguines et du service militaire.
L’exotisme sectaire entre contre-culture et réaction
Au début des années 1970 commence une deuxième période, caractérisée par la floraison de ce qu'on appelle alors les « nouvelles sectes », qui apparaissent dans le sillage de la contre-culture américaine, même si c'est de manière parfois réactive contre quelques-uns des idéaux et des valeurs visés par celle-ci. Ce phénomène concerne d'abord le continent nord-américain ; il ne touchera l'Europe qu'un peu plus tard et y connaîtra un succès plus limité. Ces nouveaux mouvements religieux sont doublement exotiques par rapport aux sociétés où ils s'installent. En premier lieu, beaucoup se rattachent de près ou de loin à des religions orientales (parfois revues et corrigées par le passage en Amérique) : c'est le cas de mouvements néo-hindouistes comme l'Association internationale pour la conscience de Krishna, communément appelée « Hare Krishna », de la Méditation transcendantale du Maharishi Yogi, du mouvement de Bhagwan Shree Rajneesh, gourou indien en rupture de tradition qui prend le nom d'Osho après l'installation de son ashram dans l'Oregon, de mouvements néo-bouddhistes comme la Soka Gakkai japonaise, néo-musulmans (Subud), d'une secte chrétienne messianique coréenne, l'Église pour l'unification du christianisme mondial, dite « Église mooniste », etc. On peut parler d'exotisme dans un second sens dans la mesure où ces groupes nouveaux – certains tout au moins – introduisent des formes religieuses déconcertantes par rapport aux conventions de l'époque. Ces formes peuvent marquer un degré de continuité avec les aspirations du mouvement de la contre-culture des années 1960, notamment par l'exaltation de la vie en communauté, le recours à des techniques destinées[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Louis HOURMANT : enseignant à l'université de Paris XII-Créteil-Val-de-Marne, membre du Groupe de sociologie des religions et de la laïcité
- Jean SÉGUY : docteur ès lettres et sciences humaines, maître de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Média
Autres références
-
ÂGE DE LA TERRE
- Écrit par Pascal RICHET
- 5 143 mots
- 5 médias
-
CATHOLICISME - Les nouveaux mouvements ecclésiaux
- Écrit par Salvatore ABBRUZZESE
- 2 474 mots
La « communauté des disciples » devient un premier trait essentiel à cette forme de lien. Sur ce point, on peut parler, en référence à Ernst Troeltsch et au mode idéal-typique qu'il propose, d'une présence de traits sectaires dans la mesure où l'appartenance à ces mouvements est souvent subordonnée à... -
CHRÉTIENNE SCIENCE
- Écrit par Jean SÉGUY
- 1 048 mots
- 2 médias
La Science chrétienne attire principalement des personnes des classes moyennes et supérieures sujettes à des maladies dites « de civilisation ». Mais cette fonction intégratrice ne rend pas compte des significations variées du mouvement à son origine. D'une part, il participe, au départ, du ... -
ÉGLISE ET SECTE, notion d'
- Écrit par Louis HOURMANT
- 1 352 mots
...et Max Weber, met l'accent sur le caractère exclusif (secte) ou au contraire inclusif (Église) des groupes religieux. Dans une telle perspective, la secte est une association volontaire de croyants unis par l'intensité de leurs aspirations et résolus à maintenir un haut degré de vie religieuse au... - Afficher les 17 références