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SÉCULARISATION

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Essais de redéfinition

Des théories récentes qui semblent réfuter l'idée même de sécularisation s'emboîtent en fait sur ces débats ; ainsi en est-il de la problématique du « choix rationnel » de Rodney Stark et Robert Fink (Acts of Faith : Explaining the Human Side of Religion, 2000). L'idée-force consiste à dire que l'être humain contemporain a recours à des raisonnements d'ordre religieux face aux questions irrésolues par la connaissance scientifique. L'ouverture mondialisée d'un libre marché des religions et leur concurrence intense favorise la vitalité religieuse de certaines d'entre elles. Mais la sécularisation se trouve dans le fait que le « choix rationnel » consistant en une « rationalité subjective », la religion est moins un système de normes qu'un système de ressources.

Les critiques sociologiquement les plus pertinentes de la notion de sécularisation portent sur l'extension de ce concept et son caractère fourre-tout. Karel Dobbelaere a tenté d'y répondre en distinguant trois dimensions de la sécularisation (Secularization. An Analysis at Three Levels, 2002). L'une est la laïcisation, processus de différenciation structurelle et fonctionnelle des institutions ; l'autre, le changement des univers religieux – croyances et comportements –, avec la tendance à privilégier ce qui appartient au monde d'« ici-bas » ; et la dernière concerne la prise de distance de la religiosité des acteurs sociaux par rapport aux traditions religieuses. Cette clarification est d'autant plus intéressante qu'elle est approfondie par Micheline Milot (Laïcité dans le Nouveau Monde : le cas du Québec, 2002) et Jean Baubérot (Laïcité, 1905-2005 entre passion et raison, 2004), qui proposent de ne pas réduire la laïcisation à une dimension de la sécularisation, mais d'opérer une délimitation conceptuelle entre ces deux termes afin de pouvoir disposer de ces deux instruments de mesure.

Dans cette optique, la laïcisation, qui est liée à une intervention du politique impliquant que l'État soit émancipé de la tutelle d'institutions religieuses et /ou des raisons religieuses de l'action politique, induit une mise à distance institutionnelle de la religion dans la régulation sociale. Pour sa part, la sécularisation correspond à une diminution de pertinence sociale et culturelle de la religion en tant que cadre normatif, phénomène plus lié aux nombreuses interactions de la dynamique sociale qu'à une intervention directe du politique. Il apparaît alors que, suivant les pays, les domaines et les périodes, la sécularisation et la laïcisation peuvent se combiner de diverses manières. « Avancées » et « reculs » de la sécularisation et de la laïcisation ne coïncident pas forcément, ce qui constitue un facteur explicatif d'irénisme, de tension ou de conflit social.

Parmi les indicateurs de Wilson sur la sécularisation, nous trouvons l'autonomisation des conduites par rapport à la religion. Ce sont les conduites sociales qui changent les conditions de la vie. Plus qu'une idée, c'est une espérance. En dialectique, dans un processus de désenchantement religieux, la sécularisation était porteuse d'éléments d'enchantements séculiers. De fait, l'utopie a joué un rôle structurel dans le mouvement d'ensemble de la sécularisation. C'est dans ce contexte que se développent des courants fondamentalistes plus ou moins radicaux dans les religions historiques et qu'apparaissent de nouveaux mouvements religieux. La notion de sécularisation n'est donc pas devenue scientifiquement moins pertinente : elle est devenue idéologiquement moins attractive.

— Jean BAUBÉROT

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  • : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.

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