SÉCURITÉ ROUTIÈRE
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Contraintes et opportunités
Ces éléments de diagnostic de l'insécurité routière montrent également l'efficacité de politiques volontaristes de lutte contre l'insécurité routière de la part des pouvoirs publics, des constructeurs automobiles, mais aussi d'autres acteurs tels que les associations de victimes ou les assureurs. Ces politiques sont mises en œuvre dans les pays industrialisés depuis très longtemps mais avec des moyens spécifiques et des recherches scientifiques en sécurité routière et sécurité automobile surtout depuis la fin des années 1960. Cette efficacité dépend bien sûr du contenu des programmes de prévention, des pays où ils sont mis en œuvre, de l'état des infrastructures et des conducteurs. L'étude ayant analysé les progrès les plus spectaculaires entre 1980 et 2000, obtenus en Suède, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, a montré que, pour 100 personnes sauvées, la distribution de l'efficacité était la suivante :
– sécurité passive des véhicules : 15 p. 100 à 20 p. 100 ;
– port de la ceinture par les occupants : 15 p. 100 à 20 p. 100 ;
– lutte contre l'alcool au volant : 15 p. 100 à 20 p. 100 ;
– mesures dédiées aux usagers vulnérables (piétons, deux roues) : 30 p. 100 à 40 p. 100 ;
– actions sur l'infrastructure : 5 p. 100 à 10 p. 100 ;
– éducation-formation-communication : 7 p. 100 à 18 p. 100.
Si l'on souhaite proposer de nouvelles mesures en plus de celles qui existent aujourd'hui et qui n'ont pas été évaluées, il faut tout d'abord consolider le diagnostic détaillé de sécurité, c'est-à-dire identifier les problèmes de sécurité résiduels et en faire une analyse approfondie. Ce diagnostic n'est possible que dans un certain nombre de pays où des données de mobilité et d'accidentalité existent et où les études sont fiables. En Europe, si l'on se base sur ces pays (Allemagne, Danemark, Espagne, France, Grande-Bretagne, Norvège, Pays-Bas, Suède), la liste des facteurs macroscopiques majeurs d'insécurité est relativement courte :
– des problèmes de conception et de réalisation des conditions dans lesquelles s'effectue le transport de personnes (gestion urbaine défaillante, plans de déplacements urbains sommaires, offre de déplacement inappropriée, transport alternatif inexistant, etc.) ;
– des problèmes de conception et de maintenance de l'infrastructure (visibilité, lisibilité, adéquation aux caractéristiques dynamiques des véhicules, etc.) ;
– des conducteurs qui violent les règles élémentaires de sécurité (alcoolisation excessive, vitesse excessive, consommation de stupéfiants, conduite agressive, conduite à risque, etc.) ou commettent des erreurs de perception, de cognition ou de maniement du véhicule dues à des états dégradés (alcoolisation, stress, fatigue, manque de sommeil...), à une inexpérience de la conduite ou à des conditions particulières lors du déplacement qui vont détériorer la réalisation de sa tâche par le conducteur (intempéries, confiance excessive, contrainte de temps, sentiment prioritaire) ;
– des véhicules anciens peu protecteurs.
Pour lutter contre ces facteurs de risque d'accident, il faut continuer d'imaginer et de mettre en œuvre un ensemble de mesures de sécurité routière, parmi lesquelles les mesures issues des avancées en matière de technologie automobile ne constituent qu'un sous-ensemble.
Parmi les cibles des actions de prévention du risque, il faut notamment se focaliser sur :
– l'alcool au volant ;
– le port de la ceinture de sécurité ;
– la gestion intelligente et apaisée de la vitesse du véhicule par le conducteur ;
– la gestion intelligente du guidage sur la voie du véhicule, en fonction du trafic environnant, par le conducteur ;
– la suppression des obstacles latéraux ;
– l'aide à la réalisation de manœuvres qui exigent une sollicitation plus forte du conducteur (dépassement, changement de voie, intersection ou site routier complexe, etc.)
Les préoccupations de mobilité durable et de recherche d'équilibre entre croissance économique, santé publique et protection de l'environnement, prennent une importance croissante et orientent les recherches technologiques et les politiques publiques. L'opinion y est aussi de plus en plus sensible. Durant ces vingt dernières années, des progrès considérables ont été accomplis, sous la double pression des réglementations et du marché. Si un progrès se traduit par un avantage client direct et palpable, on peut s'en remettre uniquement aux lois du marché. En revanche, si les bénéfices ont un caractère collectif, alors une réglementation est indispensable pour obtenir des résultats. Dans le cadre de la sécurité routière, on navigue constamment entre progrès dus au marché et progrès dus à la réglementation. Mais il y a une certitude : la voiture est aujourd'hui l'un des objets techniques les plus réglementés au monde. Cette réglementation technique est passée d'une échelle nationale à une échelle européenne qui devient de plus en plus mondiale.
Les réglementations imposent des performances. Pour certains, ces règles constituent des contraintes, pour d'autres, des défis ou des opportunités, à condition que l'objectif concerne bien les gains de sécurité réelle et non la technologie pour la technologie. Les réglementations correspondent au minimum minimorum que l'on impose à tous. Depuis quelques années, à l'instar du monde de la finance avec les agences de notation, se sont développés des classements des performances des véhicules. Menés par des organismes indépendants, ils poussent à l'excellence. À terme, leur développement doit rester réaliste, privilégiant la performance en sécurité réelle par rapport à la course aux équipements, intégrant la notion de rapport coût-efficacité.
Cependant, la technologie ne peut pas tout faire. Les réponses apportées aujourd'hui, notamment par les aides à la conduite, contribuent à des améliorations notables, mais, quelle que soit la performance des équipements proposés, rien ne peut se substituer totalement au comportement individuel. La sensibilisation aux dangers de la route et la formation à la conduite et à la sécurité routière restent les éléments clés de la lutte contre l'insécurité routière. Ces derniers doivent être développés en ayant conscience qu'ils concernent l'ensemble de la population et l'ensemble des continents.
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Écrit par
- Jean-Yves LE COZ : directeur de la politique Sécurité routière, Renault
- Yves PAGE : chargé de mission, direction des technologies automobiles avancées, Renault
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