TURQUIE ET SYRIE SÉISMES EN (2023)
La Turquie, un pays très sismique
Les deux grandes failles nord-anatolienne et est-anatolienne sont très actives, avec des vitesses actuelles de déplacement horizontal le long de ces structures, respectivement de 2,5 centimètres et 1 centimètre par an environ. Mais ces vitesses ne se traduisent pas par un glissement continu et régulier le long de ces failles. Entre les grands séismes, la plupart des segments de failles sont bloqués, et le déplacement tectonique à grande échelle s'accumule par déformation élastique du volume de roches de part et d'autre, sur plusieurs dizaines de kilomètres. On peut comparer cela à des ressorts qui se comprimeraient progressivement pendant des dizaines à des centaines d'années. Lorsque les forces accumulées dépassent le frottement sur la faille – plus précisément, on parle du seuil de rupture cisaillante –, le chargement élastique accumulé est brutalement libéré lors d'un violent séisme. À ce moment-là, les blocs séparés par la faille glissent très rapidement de plusieurs mètres l'un par rapport à l'autre, relâchant les forces accumulées à grande échelle sur des décennies, et générant les ondes sismiques destructrices.
Tout au long du xxe siècle, ce phénomène s'est produit à plusieurs reprises sur la faille nord-anatolienne. Une séquence de grands séismes, dont celui d'Erzincan, a rompu cette faille sur presque toute sa longueur en progressant d'est en ouest. Les derniers événements de cette séquence sont ceux d'Izmit (Mw de 7,4 à 7,6) et de Düzce (Mw de 7,2) qui ont eu lieu, respectivement, le 17 août et le 12 novembre 1999, à l'est d'Istanbul. Ils ont été également très destructeurs et meurtriers (plus de 17 000 victimes pour celui d'Izmit). À l'ouest du segment d'Izmit rompu en 1999, la faille nord-anatolienne traverse la mer de Marmara. Les scientifiques considèrent que cette partie de la faille, immédiatement au sud d'Istanbul, n'a pas rompu depuis au moins deux cent cinquante ans. Un ou plusieurs forts séismes y sont donc probables dans un futur relativement proche. Bien que les magnitudes possibles soient assez incertaines, le risque sismique est donc très important pour la mégapole stambouliote.
Contrairement à la faille nord-anatolienne, la faille est-anatolienne n'a pas vu se produire de très grands tremblements de terre au cours de ces cent cinquante dernières années, à l’exception de ceux de février 2023. Plusieurs séismes de magnitude proche ou supérieure à 7 y sont en revanche documentés au cours des précédents siècles. Notons par exemple ceux de 1795, 1822, 1872 et 1893. Il est probable que certains de ces séismes historiques affectèrent des segments de failles qui ont de nouveau rompu en février 2023. Les écrits historiques des deux derniers millénaires révèlent aussi que la ville antique d'Antioche a été plusieurs fois détruite par des séismes. Le séisme de 526, dit séisme d'Antioche, aurait ainsi fait quelque 250 000 victimes.
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Écrit par
- Robin LACASSIN : directeur de recherche au CNRS, Institut de physique du globe de Paris
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Médias