SELDJOUKIDES
L'administration seldjoukide
Les tout premiers sultans seldjoukides ont été les représentants d'une société essentiellement turque ; avec Malik shah, tout a changé : il a été le premier à ne pas porter un nom turc, et il a été l'artisan d'un début d'intégration des Turcs au monde musulman arabo-persan, même si des coutumes turques ont été conservées. Dans ce mouvement d'intégration, le rôle du vizir Nizam al-Moulk a été considérable : son Siyasetnamé (« Livre de la politique ») a jeté les bases de l'administration seldjoukide, répartissant les pouvoirs politiques, militaires, administratifs : le sultan disposait de la force armée, composée de Turcs, accessoirement de Turcomans et d'Arméniens ; le vizir dirigeait l'administration civile, sous le contrôle du sultan ; les fonctionnaires, Arabes ou Persans, étaient formés dans des médressés, établissements d'enseignement supérieur qui n'étaient peut-être pas d'origine turque, mais que les Seldjoukides ont transformés et rendus efficaces. Les Seldjoukides ont aussi créé la shiḥna, force de police urbaine, donné un grand essor au système de l'iqṭā‘, attribution de revenus fonciers qui permettaient aux émirs d'entretenir leurs troupes ; plus tard des iqṭā‘ ont été attribués à de hauts fonctionnaires en guise de traitement.
Sur le plan religieux, les Seldjoukides ont été des sunnites (musulmans orthodoxes) convaincus : s'ils ont exercé des violences, ce fut essentiellement contre les shī‘ites (musulmans hétérodoxes) ; en revanche, ils se sont montrés remarquablement tolérants envers les chrétiens et les juifs. Les Occidentaux, qui alors ont mis au compte des Turcs les persécutions et les dommages subis par les chrétiens en Orient, ont fait confusion avec les persécutions exercées par les Fāṭimides en Palestine, en Syrie et en Égypte, et avec les ravages causés en Asie Mineure non par les Turcs, mais par la guerre civile grecque.
En Asie Mineure, les Seldjoukides ont utilisé le système administratif créé par leurs cousins d'Iran et d'Irak, en accentuant encore le rôle du sultan et de sa famille (les provinces furent gouvernées par les fils ou les frères du sultan), en mettant au point des impôts précis, en essayant de contrôler les tribus turcomanes et en leur assignant la tâche de protéger les frontières, notamment les frontières occidentales. À côté des Turcs et des Turcomans (semi-nomades) en nombre croissant aux xiie et xiiie siècles, il existait en Anatolie des paysans grecs et arméniens, des citadins grecs, arméniens et juifs ; les grands propriétaires et les hauts fonctionnaires byzantins ont fui, tandis que les gens de condition modeste demeuraient généralement sur place, surtout lorsqu'ils étaient de religion monophysite. Les villes ont vu cohabiter artisans et commerçants chrétiens ou juifs, fonctionnaires et militaires musulmans, sans qu'il y ait eu de heurts. Ces villes sont, surtout au xiiie siècle, un témoignage de la prospérité du pays, et certaines d'entre elles (Konya, Kayseri, Sivas, Antalya) ont été d'actifs centres de commerce international. L'Anatolie est alors un lieu de transit pour le commerce oriental, et on en trouve la preuve dans les nombreux vestiges de caravansérails qui parsèment les routes anatoliennes.
La vie intellectuelle a été limitée à quelques centres dont le principal semble avoir été Kayseri, où fut fondée la première médressé d'Anatolie, ensuite Sivas, Malatya et Konya où le mystique Mevlana Djelal ed-din Roumî (dont les disciples ont créé par la suite la confrérie des derviches mévlévis ou derviches tourneurs) a connu une grande audience au xiiie siècle. Le mysticisme, ou soufisme, a recruté alors un certain nombre d'adeptes, mais on peut se demander dans quelle mesure l'islam turc, même[...]
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Écrit par
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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Médias
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