SÉLEUCIDES
Une politique d'envergure : la fondation de cités
Séleucos Ier donna l'exemple en fondant près de soixante-dix cités, dont seize Antioche (du nom de son père). Après le règne d'Antiochos Ier, les fondations se raréfient pour reprendre sous Antiochos IV Épiphane. Il ne s'agit pas toujours de créations ex nihilo, mais souvent de synoecismes de villages, ou même simplement d'un changement de nom.
Un premier ensemble de cités se trouve en Asie Mineure, région très disputée, où il s'agit de défendre la route reliant la Cilicie à la mer Égée. Un second groupe de fondations jalonne la grande voie conduisant de la Syrie du Nord au golfe Persique. Mais la région la plus urbanisée fut la Syrie du Nord, le cœur du royaume, qui devint « une nouvelle Macédoine », avec les quatre grands centres : Antioche sur l'Oronte, le port de Séleucie de Piérie, Apamée, place forte et centre des haras royaux, et Laodicée-sur-Mer, le second port du royaume ; d'autres cités les entourent dont les noms évoquent la Macédoine : Beroia, Kyrrhos, Chalcis...
Ces fondations ont les attributs des cités grecques : un territoire avec des villages indigènes à administrer, découpé en clèroi (lots) entre les citoyens, et un statut politique, qui n'exclut pas la présence d'un gouverneur royal (épistatès) ni même d'une garnison.
Les résultats sont appréciables dans le domaine militaire : les cités sont des citadelles et des centres de recrutement grec. Économiquement, certains centres, tel Séleucie du Tigre, deviennent des plaques tournantes des échanges commerciaux. Du point de vue politique, l'appréciation doit être plus nuancée : les rois se privent d'une partie de la terre royale et doivent alors compter avec la turbulence des cités, qui exploitent leur faiblesse. En retour, l'action des forces indigènes se trouve limitée, et l'urbanisation propage l'hellénisme. Fondée en 300 avec dix mille colons, Antioche a quatre cent mille habitants deux siècles plus tard. Toutefois, elle a beau être une des cités les plus prospères de l'Orient, elle ne peut rivaliser avec Alexandrie et Pergame dans le domaine artistique et littéraire, en dépit des efforts d'Antiochos III, qui fonde une bibliothèque et un musée. L'attrait exercé sur les indigènes est net jusqu'au cœur du royaume où Séleucie de l'Eulaios (Suse) a tous les aspects d'une cité grecque. C'est dans le domaine religieux que la résistance de l'Orient fut le plus nette : les sanctuaires babyloniens bénéficient même de la protection royale.
Cette influence asiatique se retrouve dans la composition de l'armée. Comme dans les autres royaumes hellénistiques, l'élément central est constitué par la phalange macédonienne. Mais les autres troupes, lourdes ou légères, sont en majorité indigènes ; la couleur locale est donnée en particulier par les chars à faux et les éléphants. Cette armée bigarrée reste fâcheusement hétérogène.
La force du royaume séleucide était en définitive plus impressionnante que réelle. Antiochos III avait fait illusion et s'était fait illusion parce que ses adversaires étaient faibles. Face à la puissance romaine, l'effondrement fut rapide et irrémédiable.
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Écrit par
- André LARONDE : membre de l'Institut, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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