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SÉMANTIQUE

« La sémantique, ou comment s'en débarrasser » : jusqu'à une époque récente, l'étude du sens était volontiers considérée comme constituant pour la linguistique une sorte de rejeton indésirable, au nom sans doute de ce réalisme naïf « qui porte à ignorer tout ce qui ne peut pas se montrer ou se toucher du doigt » (Pierre Bourdieu). Or le sens, dissimulé sous son enveloppe signifiante, ne se voit pas. Mais il n'en est pas moins, pour les sujets parlants, une donnée immédiate et fondamentale de l'expérience quotidienne. Si l'on admet que la linguistique a pour objectif d'expliciter toutes les intuitions que les locuteurs ont sur leur langue, la sémantique en fait donc partie à l'égal de la phonologie ou de la syntaxe – et même plus encore. Car le signifié n'est pas seulement la moitié du signe, c'est ce qui justifie l'existence du signifiant (cependant que le signifiant ne fait que permettre l'actualisation du signifié) : dans le langage, nous dit André Martinet, les formes et les structures ne sont qu'un moyen, tandis que la transmission des significations est une fin ; et Benveniste déclare semblablement : « Que la langue signifie, cela veut dire que la signification n'est pas quelque chose qui lui est donné par surcroît : c'est son être même. » Bref, « on ne peut longtemps jouer à cache-cache avec la signification » (Roman Jakobson), et il est proprement insensé de prétendre décrire le fonctionnement du langage sans prendre en compte le sens. Pas de linguistique sans sémantique, si l'on définit celle-ci comme la discipline ayant pour objet la description du sens des mots, des phrases et des discours produits en langue naturelle.

Précisons qu'il sera ici question de sémantique linguistique exclusivement, mais que la sémantique peut être aussi « logique », « philosophique », ou relever de quelque autre domaine de la sémiologie. Car les énoncés verbaux n'ont pas le monopole de la fonction significative : un geste ou une mimique, un marquage sur la chaussée, des nuages dans le ciel, une œuvre picturale ou musicale, et bien d'autres choses encore, peuvent aussi faire sens.

Des théories du sens

Le sens existe donc. Mais il y a loin de l'évidence intuitive à la reconnaissance théorique. La méfiance des linguistes envers l'étude du sens apparaît d'abord dans le fait que l'acte de naissance officiel de la sémantique est relativement tardif : c'est à la fin seulement du xixe siècle que grâce à Michel Bréal, précédé il est vrai par les philologues allemands pratiquant la « sémasiologie » au sein de la linguistique comparée, se trouve affirmée clairement l'idée que la signification est une composante linguistique au même titre que les formes sonores et syntaxiques, et du même coup baptisée l'étude de cette composante : « Comme cette étude, aussi bien que la phonétique et la morphologie, mérite d'avoir son nom, nous l'appellerons la sémantique (du verbe σημα̂ινειν), c'est-à-dire la science des significations » (Essai de sémantique, 1897).

La sémantique selon Bréal possède les deux caractéristiques suivantes :

– Son approche est essentiellement historique : la sémantique a pour but de décrire l'évolution des significations dans les langues, et les lois qui régissent cette évolution (rétrécissement, élargissement, glissement de sens).

– Son orientation est à la fois psychologique et sociologique : le langage exprime la pensée, en même temps qu'il reflète l'organisation sociale ; les changements de signification sont le résultat de processus psychologiques, en même temps qu'ils sont soumis à des causes sociales (contacts entre populations, transformation des institutions, etc.) – ces considérations étant reprises et développées par [...]

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Triangle sémiotique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Triangle sémiotique

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