SÉMANTIQUE
La sémantique structurale
Principes
Il faut remonter jusqu'à Ferdinand de Saussure pour trouver l'explicitation la plus claire des fondements théoriques de la sémantique structurale moderne, même si les principes énoncés dans le Cours de linguistique générale (paru en 1916) durent attendre quelques décennies leur mise en pratique. Ces principes sont les suivants :
– Priorité doit être accordée (pour la linguistique en général, et la sémantique en particulier) à la perspective synchronique, en vertu du fait que « la langue se constitue diachroniquement, mais [qu']elle fonctionne synchroniquement ». Ainsi, lorsque je choisis d'utiliser le signifiant « cheval », c'est en fonction du sens qu'il possède aujourd'hui (en relation avec d'autres mots apparentés dans un même état de langue), et nullement par rapport à la valeur de son étymon latin caballus (désignation argotique et péjorative du cheval).
– Le sens d'un mot n'existe qu'en tant que composante de ce mot, ou signe linguistique, lequel, pour Saussure, se constitue de l'association indissoluble d'un signifiant (Sa) et d'un signifié (Sé). Ajoutons que le mot a pour fonction de représenter une « chose » (ou plutôt un ensemble de choses, regroupées sous le même concept), et que tout signe vaut pour un segment particulier d'univers, que l'on appelle son référent (ou denotatum). Et voici que se constitue le fameux triangle sémiotique, qui dans la version d'Ogden et Richards, revue et corrigée par Ullmann, se présente comme suit :
Le Sé peut ainsi se définir, au moins négativement. Ce n'est :
– ni le Sa (support du signe, actualisable phonétiquement ou graphiquement), avec lequel il ne se confond pas, comme le montrent les deux phénomènes opposés de la synonymie (« éloge »/« louange » : deux Sa pour un même Sé) et de l'homonymie (« louer1 »/« louer2 » : deux Sé pour un même Sa) ;
– ni le référent (objet ou classe d'objets extralinguistiques, réels ou imaginaires, auxquels renvoie le signe bifacial), avec lequel il ne se confond pas non plus, puisqu'un même objet peut être désigné par plusieurs expressions non équivalentes sémantiquement (exemple de Frege : « l'étoile du soir » et « l'étoile du matin » ; exemple de Husserl : « le vainqueur d'Iéna » et « le vaincu de Waterloo »).
Le signifié d'un signe s'attache à un signifiant et renvoie à un référent tous deux déterminés, permettant du même coup l'établissement entre eux d'une relation indirecte. Si l'on admet que parler, c'est d'abord dénommer, et que dénommer, c'est faire correspondre à une chose particulière une suite de sons particulière, cette opération ne peut se faire que grâce à la médiation du signifié.
Dans le fonctionnement réel du signe, ces trois éléments sont totalement solidaires : le Sa et le Sé, nous dit Saussure, sont comme le recto et le verso d'une feuille de papier, dans laquelle ils sont découpés d'un seul et même coup de ciseau ; et le Sé n'est que l'image linguistique abstraite (« le concept de chien ne mord pas ») de la classe des objets auxquels renvoie le signe. Pour l'utilisateur de la langue, les relations qu'entretiennent ces trois ingrédients sont « nécessaires ». Mais, pour l'analyste qui décrit le signe de l'extérieur, ces mêmes relations sont en grande partie arbitraires.
– Arbitraire du Sa dans sa relation au Sé : autant de langues, autant de signifiants différents pour un même signifié – l'arbitraire du signe est ici évident, et massif, n'étant que faiblement limité par l'existence de la motivation « phonétique » (cas des onomatopées, qui sont du reste rares dans toutes les langues, et mâtinées de convention) et de la motivation « morphologique[...]
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Écrit par
- Catherine KERBRAT-ORECCHIONI : agrégée, docteur d'État, professeur de linguistique à l'université de Lyon-II
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