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SÉMANTIQUE

Bilan

« Que n'a-t-on tenté pour éviter, ignorer ou expulser le sens ? On aura beau faire : cette tête de Méduse est toujours là, au centre de la langue, fascinant ceux qui la contemplent » (Benveniste). Le sens fascine aujourd'hui plus que jamais : il n'est pas exagéré de dire que ce qui caractérise principalement les développements de la science linguistique durant la seconde moitié de ce siècle, c'est une sémantisation croissante et spectaculaire des modèles qu'elle propose, et « un retour des origines d'une science (de ce dont elle a dû se séparer pour devenir ce qu'elle est) dans cette science elle-même » (Michel Pêcheux). Après le refoulement, l'expansion tous azimuts : nous voilà bien loin de Harris, déclarant en 1952 que « la linguistique descriptive ne se préoccupe pas du sens des morphèmes »... Le problème de la sémantique n'est plus aujourd'hui un problème de reconnaissance, mais d'identité : une telle diversification des tâches ne pouvait se faire sans mettre en péril l'unité de la sémantique, ni brouiller la ligne de démarcation qui traditionnellement séparait son territoire de celui des disciplines connexes, les contours de la sémantique étant devenus plus indécis encore avec l'apparition d'un nouvel acteur sur la scène linguistique : la pragmatique.

Sémantique et pragmatique

Étant donné « la disparité et la diversité des entreprises qui se logent à l'enseigne de la pragmatique » (François Latraverse), il n'est pas commode de trouver une définition unitaire à ce qui apparaît un peu comme une auberge espagnole. Proposons tout de même celle-ci : « La pragmatique, c'est l'étude du langage en acte », et ajoutons qu'on peut entendre par « langage en acte » des choses bien différentes, telles que : le langage en situation, actualisé au cours d'un acte d' énonciation particulier : il n'y a pas de dit sans dire ; ou le langage agissant, et modifiant en permanence l'univers du discours : il n'y a pas de dire sans faire.

On comprend alors que la pragmatique se soit développée dans deux directions :

– La linguistique de l'énonciation, qui prolonge les propositions de Charles Morris, définissant en 1938 la pragmatique comme l'étude des relations que les signes entretiennent avec leurs utilisateurs (quand la sémantique s'occupe des relations des signes à leur référent). Il s'agira donc dans cette perspective de relier l'énoncé au cadre énonciatif dans lequel il s'enracine, et de voir quels sont les lieux et les modalités d'inscription dans la trame énoncive de ses différents constituants : émetteur (problème des déictiques, des termes affectifs, des évaluatifs, axiologiques et modalisateurs, et, plus généralement, de la « subjectivité » langagière), récepteur (fonctionnement des vocatifs, impératifs, interrogatifs) et situation d'énonciation (restreinte ou large) – étant bien entendu que tous les textes sont d'une certaine manière « ancrés » situationnellement et marqués énonciativement (et, en particulier, toute séquence discursive porte la marque du sujet discoureur), mais selon des modalités et à des degrés variables.

– La théorie des actes de langage, développée (entre autres) par Austin et Searle, dont l'hypothèse fondatrice est la suivante : parler, c'est sans doute échanger des informations, mais c'est aussi effectuer un acte, régi par des règles dont certaines seraient universelles, et qui prétend transformer la situation du récepteur et modifier son système de croyances et/ou son attitude comportementale ; corrélativement, comprendre un énoncé, c'est identifier, outre son contenu informationnel, sa visée pragmatique (« valeur illocutionnaire » de menace, ordre, promesse, orientation, argumentative...).[...]

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Triangle sémiotique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Triangle sémiotique

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