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SÉMIOLOGIE

La sémiologie ou sémiotique (du grec σημε̃ιον, « signe ») tend aujourd'hui à se construire comme une science des significations. En tant que telle, et par conséquent, la sémiologie est la méthodologie des sciences qui traitent des systèmes signifiants, donc des «   sciences humaines », puisqu'elle considère les pratiques socio-historiques qui font l'objet de ces sciences (le mythe, la religion, la littérature, etc.) comme des systèmes de signes. La sémiologie apparaît ainsi comme l'infrastructure des sciences humaines et dévoile par là même sa vulnérabilité. En effet, lorsqu'elle transforme les pratiques socio-historiques en systèmes signifiants, lorsqu'elle en dégage des formalismes, une syntaxe, des structures, la sémiotique laisse d'habitude en suspens la question des présupposés ou de l'idéologie qui autorisent l'emploi de cette formalisation et qui décident, en dernière instance, de sa validité ou de sa vérité. Et lorsque, dans ses développements plus récents, la sémiotique est amenée à s'interroger sur cette idéologie, elle s'attaque aux matrices mêmes qui permettent le processus de la connaissance : le signe, le sujet, sa position socio-historique. Elle rencontre alors la psychanalyse et le matérialisme historique, devient une des voies de leur pénétration dans les sciences humaines et propose son terrain pour l'approfondissement de la procédure analytique ou pour l'élaboration d'une logique dialectique matérialiste face à la complexité des pratiques sociales. Sans quitter, donc, le terrain du signe et du système, pour autant qu'elle reste une métalangue, une théorie scientifique, la sémiotique est amenée à se pratiquer comme une critique de sa démarche traditionnelle et fondamentale, c'est-à-dire à débloquer l'enclos du signe et du système pour rendre compte de la production effective, matérielle, corporelle, sociale et historique des pratiques signifiantes.

Le problème du signe, de l'Antiquité au XVIIIe siècle

Les stoïciens

Un bref parcours historique permet de comprendre comment le discours sémiotique a pu se produire en suivant de près les idéologies dominantes des différentes époques et les coupures scientifiques qui s'y sont opérées.

La question du signe semble apparaître pour la première fois dans l'aire culturelle occidentale avec les stoïciens (iiie siècle av. J.-C.). Elle leur est nécessaire pour fonder la théorie logique très détaillée du syllogisme (la proposition conditionnelle ou disjonctive qui dévoile le mécanisme d'une preuve), articulée comme une série de signes sans signification propre, comme un système déductif opérant avec des termes (éléments initiaux) d'après des règles strictes. Or, pour que cette logique puisse fonctionner, elle doit pouvoir montrer la validité de ses termes. C'est ici que la théorie du signe intervient : les termes sont vrais parce qu'ils sont des signes, c'est-à-dire des relations nécessaires entre le mot et la chose qu'il désigne, par la médiation du lekton, catégorie incorporelle située du côté du langage. Le signe est donc une induction, comme l'induction syllogistique, mais, au lieu de fonctionner à l'intérieur de la formalité linguistique, il relie le discours à son dehors, les mots aux choses. Le signe est par conséquent structuré comme la projection du syllogisme vers le dehors matériel : il a la structure d'une preuve, d'une induction fondamentale et préalable à l'induction logique elle-même. Cette architectonique fait du monde une conjonction de langues s'interprétant mutuellement, et ouvre la voie à la science : traduire ou interpréter sera, pour les stoïciens, trouver la forme d'une totalité réglementée, c'est-à-dire d'un système, donc d'une science. Le signe et la sémiotique qu'il engendre[...]

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Gottfried Wilhelm Leibniz - crédits : AKG-images

Gottfried Wilhelm Leibniz

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