SÉMIOLOGIE
Les fondateurs de la sémiotique moderne
Peirce et le positivisme logique
L'apparition d'une nouvelle science, l'axiomatique, appelée à assurer la compatibilité logique des différentes branches de la nouvelle géométrie qui vont se développer au xixe siècle, semble avoir déterminé la formulation explicite du projet sémiotique moderne. D'abord, George Boole, en introduisant l'analyse mathématique en logique dans sa Mathematical Analysis of Logic (1847), propose un procédé mathématique permettant de transcrire les opérations signifiantes sans recourir à la philosophie ni à la psychologie, et réalise ainsi une partie du projet leibnizien : « La méthode nous permettra même d'exprimer des opérations arbitraires de l'intellect et de parvenir de la sorte à la démonstration des théorèmes généraux qui, en logique, présentent un fort degré d'analogie avec les théorèmes généraux des mathématiques ordinaires. Une part considérable du plaisir que nous donne l'application de l'analyse à l'interprétation de la nature externe provient de ce qu'elle nous offre la possibilité de contempler le caractère d'universalité de la Loi [...]. Et cette étude ne saurait que gagner en intérêt si l'on songe que chaque singularité observable dans la forme du calcul différentiel représente un trait correspondant dans la constitution de notre propre entendement. »
Frege mettra l'accent sur le caractère idéal, conceptuel des marques apparemment vides qu'enchaîne l'algèbre : les nombres, extensions de concepts, dérivent (avant de se combiner en algèbre) d'un dispositif logique qui, pour universel qu'il soit, n'est pas donné immédiatement dans le langage parlé, mais fonctionne à plein dans l'ordre arithmétique.
C'est dans cette voie, et en créant la logique des relations, qu'un des premiers axiomaticiens, Charles Sanders Peirce, revendique la nécessité d'une science traitant des significations, de leur convertibilité intersystémique et de leur relation à l'ordre matériel : la sémiotique. Pour Peirce, la sémiotique n'est qu'un autre terme pour désigner la logique dans un sens élargi, c'est-à-dire comme « la théorie quasi nécessaire ou formelle des signes ». Il insiste sur la procédure épistémologique productrice de cette science fondée sur l'abstraction, la déduction et donc sur un certain type d'arbitraire qui pourtant est le propre de toute approche scientifique : « Nous observons le caractère de tels ou tels signes que nous connaissons et, grâce à cette observation, par un procédé que j'appellerais volontiers abstraction, nous aboutissons à des propositions, éminemment faillibles et donc en un sens nullement nécessaires, propositions dont nous inférons ce que doivent être les caractères de tous les signes utilisés par un intellect « scientifique », c'est-à-dire par un intellect capable d'apprentissage par expérience. »
La définition que Peirce donne de l'unité signifiante, le signe, n'est pas sans rapport avec celle des stoïciens : « Un signe, ou representamen, est quelque chose qui est là pour quelqu'un en vue de quelque chose sous quelque rapport ou capacité. Il s'adresse à quelqu'un, c'est-à-dire crée dans l'esprit de cette personne un signe équivalent ou éventuellement un signe plus développé. Ce signe qu'il crée, je l'appelle interprétant du premier signe. Le signe est là pour quelque chose, son objet. Il est là pour cet objet, non pas sous tous les rapports, mais comme référence à une sorte d'idée, que j'ai parfois appelée la base du representamen. » Plusieurs divisions des signes en catégories selon divers critères sont proposées, dont on a retenu surtout celle qui distingue icônes, index et symboles :[...]
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Écrit par
- Julia KRISTEVA : professeur à l'université de Paris-VII
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