SÉMITES
Le problème des origines
L'extraordinaire aventure arabe a été longtemps considérée comme le dernier épisode et le modèle perceptible des « migrations » sémitiques. On a donc supposé que les Sémites étaient arrivés du désert, vague après vague, pour s'établir sur les terres cultivables du Croissant fertile en conquérant leurs congénères précédemment sédentarisés : au IIIe millénaire, une première vague aurait apporté les Cananéens à l'ouest, les Accadiens à l'est ; au début du IIe millénaire, ce serait la vague amorrite ; au xiie siècle, celle des Araméens et des Hébreux ; les Arabes, derniers venus, auraient conservé le mode de vie nomade, la structure patriarcale et tribale, la simplicité du culte et, selon certains, le monothéisme, qui seraient caractéristiques des « Sémites primitifs » ; on invoque à l'appui de cette hypothèse l'archaïsme de la langue arabe (l'arabe classique conservant, par exemple, la déclinaison nominale à trois cas que le phénicien, l'hébreu et l'araméen ont perdue). Pour expliquer que le désert paraisse ainsi déverser à intervalles presque réguliers un surplus de population, l'hypothèse a été assortie d'une supposition auxiliaire : celle d'un dessèchement progressif de la région qui est maintenant la steppe syro-arabe, supposition aujourd'hui rejetée. La tradition biblique sur les migrations des Patriarches, les conditions dans lesquelles apparaissent les Amorrites, puis les Araméens donnent sa consistance à l'hypothèse.
Il est certain que des groupes errant aux abords des terres cultivées, cherchant à se sédentariser ou à imposer leur tutelle aux sédentaires qui les redoutent, peuvent devenir les maîtres des populations établies avant eux. Mais ces nomades sont-ils tous arrivés du fond du désert ? Il est peu probable que des déplacements aussi lointains aient eu lieu avant qu'on ait su équiper le chameau pour de longues courses. Aussi pense-t-on plus volontiers aujourd'hui qu'une pénétration comme celle des Hébreux en Palestine a été lente et progressive et qu'elle a été le fait de semi-nomades éleveurs de moutons et d'ânes, pillards à l'occasion, plutôt que de bédouins chameliers. Mais rien ne prouve que tous les Sémites aient connu un destin semblable juste avant leur apparition dans l'histoire.
Une autre hypothèse, soutenue en 1879 par l'orientaliste italien I. Guidi, conteste la théorie de l'origine arabe. Elle part de l'étude du vocabulaire que la comparaison des langues connues permet de définir comme « sémitique commun ». Ce vocabulaire nous renseigne sur ce que les Sémites avaient sous les yeux quand ils étaient encore groupés : ils connaissaient, selon Guidi, le bitume et la brique, l'or mais non l'argent, le cuivre mais non le fer, le fleuve et la mer mais non la montagne, la culture des céréales mais non la panification ni la vinification. Guidi suppose ainsi que l'habitat primitif des Sémites était la basse Mésopotamie. La méthode n'est pas sans défaut, car, par exemple, les Sémites n'ont pas de nom commun pour la lune, qu'ils ne pouvaient cependant ignorer. En développant l'hypothèse de Guidi, on a suggéré récemment que la civilisation des Arabes préislamiques était un rejeton appauvri de la haute culture mésopotamienne. Une autre thèse reprend la méthode d'investigation du vocabulaire sémitique commun en l'appliquant à la terminologie de l'agglomération humaine et de ses moyens de défense, pour essayer de prouver que les Sémites primitifs étaient des sédentaires groupés dans des villages protégés par des fossés et des tours et pratiquant des migrations saisonnières pour l'élevage. Le vocabulaire purement urbain est, au contraire, différencié. Sans se prononcer sur la question[...]
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Écrit par
- André CAQUOT : professeur du Collège de France
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