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SÉMITES

Le mythe du Sémite

Si les Sémites ont formé à l'origine un seul peuple, il est légitime de rechercher les traces de leurs institutions primitives, de leurs idées et de leur mentalité dans ce que les peuples attestés historiquement ont en commun. L'étude comparée du vocabulaire de la parenté permet ainsi de deviner qu'ils ont privilégié le lignage paternel. Dans le domaine de la religion, les résultats de l'enquête sont décevants, étant donné la pauvreté du vocabulaire commun s'y rapportant. On trouve quelques termes dénotant des pratiques peu caractéristiques, quelques noms divins omniprésents, tels que El et Athtar (Ishtar en Mésopotamie), mais rien ne prouve qu'ils aient toujours et partout correspondu à la même représentation. On constate tout au plus, grâce à l'étude des noms propres significatifs, que les Sémites ont souvent conçu leurs divinités comme providentielles et protectrices de l'individu, et l'on peut entrevoir ainsi quelque chose de leur piété, mais on ne saurait parler d'un panthéon sémitique commun et moins encore d'une mythologie commune.

C'est un grave abus que de tenir pour des traits « sémitiques » ce que quelques-unes des civilisations considérées ont produit de plus frappant et de plus spécifique, et aussi certaines déficiences qu'on croit y remarquer. C'est surtout en combinant divers aspects du prophétisme israélite et de l'islam que Renan a tracé un portrait générique du Sémite, qu'il entendait opposer à l'Aryen : le Sémite possède un sens invétéré de la majesté et de l'unicité de Dieu, il est animé par un besoin intransigeant de justice, mais il pèche par fanatisme, par pauvreté d'imagination, par incapacité esthétique et politique, par son mépris de la « science positive » ; la civilisation occidentale doit aux Aryens les plus belles de ses vertus, et Renan ne doute pas qu'elle ne devienne de moins en moins déterminée par les influences sémitiques qu'elle a reçues du christianisme. Si Renan n'a pas versé dans l'« antisémitisme » vulgaire, c'est que, pour lui, les anciens Sémites ont pour seuls représentants modernes les Arabes musulmans. Plus près de nous, et avec plus de prudence, G. Levi della Vida a tenté de dégager quelques aspects constants de la mentalité et de l'activité des Sémites. Il reprend certains arguments de Renan, comme celui de l'incapacité mythopoïétique des Sémites, argument que les découvertes d'Ougarit sont venues depuis infirmer. Il aboutit surtout à dresser un tableau de détails contradictoires : à l'exaltation religieuse des prophètes et des ascètes s'opposent l'esprit d'initiative et le savoir-faire des marchands (mais peut-on traiter sous un même titre des trafiquants assyriens d'Anatolie, des colons phéniciens, des marchands juifs ou yéménites ?), au prophétisme s'oppose le légalisme, au misonéisme le progressisme. Il est évident qu'on ne saurait invoquer comme ethniques, sinon comme raciaux, des aspects aussi divers de civilisations diverses et qui correspondent à des situations particulières imposées aux Sémites par les contingences de l'histoire.

— André CAQUOT

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