SENOUFO ou SENUFO
Les populations de langue senoufo (rattachées au groupe voltaïque) comptent environ 1 500 000 personnes au début du xxie siècle et occupent un vaste territoire qui couvre le sud du Mali et du Burkina Faso, et le nord de la Côte-d'Ivoire. Bien que n'étant guère connues que par les travaux incomplets de B. Holas, elles sont devenues très tôt célèbres par leurs productions artistiques et la variété de leurs masques. Situées dans une zone de savanes, elles sont très diversement réparties, leur densité démographique allant de 80 habitants au kilomètre carré dans la région de Korhogo à moins de 20 habitants au kilomètre carré dans les régions périphériques du Nord et du Sud. Les Senoufo sont avant tout des cultivateurs, qui produisent de l'igname, du mil et du riz. Peu enclins à la guerre, ils ont subi de nombreuses incursions mande, puis, à la fin du xixe siècle, les campagnes de Samory auquel la chefferie de Korhogo — historiquement prédominante par sa résistance aux Dioula de Kong, renforcée ensuite par l'administration coloniale française — avait adhéré, avant de se rallier finalement aux Français vainqueurs. Ainsi le sous-groupe senoufo de l'aire de Korhogo, les Tiembara, déjà important démographiquement, jouit-il d'une certaine prééminence « politique » — bien que ce terme soit relativement impropre pour qualifier une société aussi typiquement segmentaire. Les Senoufo comptent, en effet, une cinquantaine de sous-ethnies aux particularités marquées. Ils semblent avoir émigré du Mali vers leur territoire actuel, dont ils furent les premiers occupants. Aussi l'idée de conquête est-elle étrangère à leurs traditions. Le village est l'unité de référence la plus large de l'organisation sociale et rituelle de cette société lignagère à forte accentuation matrilinéaire. Un chef de terre contrôle l'intégrité symbolique du territoire et l'attribution des parcelles, tandis que les affaires villageoises sont collectivement gérées par un conseil d'anciens. Le chef de lignage est cependant l'instance habituelle du règlement des questions domestiques et rituelles.
Les Senoufo possèdent une structure religieuse remarquable, qui, très riche en matière de symbolismes et de rites, est liée à une organisation initiatique reposant sur les classes d'âge masculines (le poro). Cette organisation, qui comporte un système de prestations économiques réciproques différées entre aînés et cadets, ainsi que de strictes obligations rituelles, structure la totalité de l'univers quotidien et religieux. Elle est étayée par la loi du secret et s'inscrit territorialement dans des « bois sacrés » situés à la périphérie de chaque village.
Une autre institution, plutôt féminine, le sandoho, assure l'unité et la pérennité des matrilignages par sa fonction de contrôle du respect des règles d'alliance et par le fait qu'elle se recrute en ligne matrilinéaire, tout en fournissant les devins. Les funérailles, « spectaculaires », sont l'expression privilégiée de ces deux institutions majeures d'une société qui attache une importance essentielle à la « bonne mort ».
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Écrit par
- Nicole SINDZINGRE : chargée de recherche au CNRS
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