SENS (notions de base)
Le sens de l’histoire
On ne s’étonnera donc pas du fait qu’Emmanuel Kant, inventeur de la téléologie, soit aussi le penseur qui a jeté les bases de la philosophie de l’histoire. Dans son opuscule de 1874, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, il montre que l’histoire, sans l’hypothèse d’un but, n’est qu’un chaos incompréhensible. Il s’agit bien là d’une hypothèse, car aucune démonstration ne pourra jamais être apportée à cette idée de finalité. Mais, sans elle, on ne pourrait pas davantage éclairer les événements historiques qu’on ne pourrait éclairer la vie sans le principe téléologique. L’histoire ne saurait être conçue autrement que comme le lieu de l’accomplissement des potentialités humaines, que comme le développement de la nature humaine à travers le temps. La nature de l’homme étant, selon Kant, la liberté, c’est la lente réalisation de la liberté des hommes dans le temps qui fournit une signification aux événements historiques.
Lecteur et admirateur de Kant, G. W. F. Hegel (1770-1831) va donner son plein développement à l’hypothèse kantienne. Il dote d’une nécessité logique ce qui n’était qu’hypothèse chez son prédécesseur. Sans cette idée de finalité, l’histoire n’est que chaos, et celui qui veut l’étudier se voit donc contraint de faire cette hypothèse sans laquelle son investigation est tout simplement impossible. Sous le désordre apparent des ambitions et des projets individuels se cache donc un dessein qui dépasse les individus. Hegel nomme « ruse de la Raison » cette façon qu’a l’Esprit du monde (Weltgeist) d’utiliser à son profit les passions individuelles. « Les grands hommes de l’histoire sont ceux dont les fins particulières contiennent la substantialité que confère la volonté de l’Esprit du monde », écrit-il dans La Raison dans l’histoire (1830).
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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