SÉOUL
Entre patrimoine architectural menacé et désordres urbains
Les conflits armés (en particulier la guerre de Corée) et la formidable croissance qui a suivi ont profondément transformé le patrimoine bâti de Séoul. Le tissu des venelles piétonnes menant aux traditionnelles maisons à cour et sans étage ne subsiste donc guère que dans quelques quartiers reliques de la ville au nord du fleuve (Kahoe-dong et Insa-dong), faisant l'objet de politiques spéciales de protection. Depuis 1965, ce sont en effet les principes de l'urbanisme fonctionnel et la nécessité d'adapter la ville à l'automobile qui ont guidé les grands fronts d'urbanisation, dans un contexte de grave crise de l'habitat. La politique de logement de masse menée depuis le début des années 1970, a ainsi suscité la multiplication des grands ensembles d'appartements, les tanji. Les plus vastes d'entre eux, comme les tanji de Panp'o, de Chamshil, de Mok-tong et de Sanggye-dong, peuvent compter de 5 000 à plus de 10 000 logements et apparaissent comme de gigantesques cités intra-urbaines de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Si ces méga-tanji ont été développés par une société publique, l'Office national coréen du logement (Taehan Chut'aek Kongsa), les chaebŏl sont également très présents dans la construction de grands ensembles, de taille généralement plus modeste mais pouvant quand même comprendre plusieurs milliers de logements. Ces tanji, où se sont installés les classes moyennes et la bourgeoisie urbaine, marquent aujourd'hui le paysage de Séoul dans les quartiers développés après 1970, notamment sur la rive sud du Han. Plus près du centre historique, c'est également sous la forme de barres et de tours que se poursuit la rénovation urbaine des quartiers résidentiels vétustes ou insalubres, tandis que les tout premiers immeubles collectifs des années 1960 et 1970 sont reconstruits pour densifier encore les quartiers résidentiels. Financées par le secteur privé, ces opérations de rénovation de l'habitat ou de reconstruction des ensembles vétustes sont responsables de la gentrification des quartiers concernés. Objets inconnus en Corée avant 1960, loin de véhiculer les images négatives associées en France au grand ensemble, le tanji et l'immeuble d'appartements (l'ap'at'ù) apparaissent paradoxalement aujourd'hui comme une des composantes essentielles de la culture urbaine séoulienne.
Semée de collines et traversée en son milieu par un large fleuve qui fait figure de frontière intra-urbaine et qui est actuellement en phase de réhabilitation grâce à la création de parcs et de zones de loisirs le long des berges, la ville est également confrontée à d'importants problèmes de transport. Le développement du réseau métropolitain (10 lignes et 180 km de voies partiellement souterraines ayant créé une véritable ville sous la ville) n'empêche pas la congestion des principaux axes routiers, en raison de la continuelle augmentation des voitures particulières. D'autres problèmes (comme la pollution de l'atmosphère ou la médiocre qualité de l'eau courante) affectent la ville, qui se doit aussi de gérer les effets encore perceptibles de la crise asiatique de 1997-1998 sur l'environnement social (apparition des S.D.F.).
Après plusieurs décennies de mutations brutales qui ont parfois conduits aux excès du fonctionnalisme (usage intensif du béton, priorité donnée à l’automobile pour les déplacements), la gestion urbaine paraît s'orienter vers une réinsertion de son patrimoine historique, fût-il largement reconstruit, comme en témoignent par exemple les aménagements autour de la porte du Sud (Namdaemun), ou la réouverture du Ch'ŏnggyech'ŏng – affluent du fleuve Han couvert dans les années 1970 par une autoroute urbaine et qui a été réhabilité en 2006.[...]
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Écrit par
- Valérie GELÉZEAU : maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
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