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SÉQUENCE DE SAINTE EULALIE

La bibliothèque de Valenciennes conserve un manuscrit latin où l'on copia, sans doute à l'abbaye de Saint-Amand-les-Eaux dans la première moitié du ixe siècle, une traduction latine des œuvres de saint Grégoire de Nazianze. Ce manuscrit fut ensuite l'objet d'une double intervention qui lui donne une place éminente dans l'histoire de la littérature française. Vers la fin du siècle, on inséra, au recto du folio 141, un poème latin qui évoquait la mémoire de sainte Eulalie de Mérida, en racontant son martyre. On peut voir là le double effet du culte local de cette sainte (dont les reliques avaient été déposées à Saint-Amand en 878) et de l'activité littéraire suscitée par Hucbald, fin lettré, musicologue et abbé fort dynamique de Saint-Amand. On inséra ensuite, copiées par une main autre et unique, deux œuvres rédigées non plus en latin mais en langue vulgaire. D'une part un poème écrit en français, également consacré au martyre de sainte Eulalie, et qui commence ainsi : « Buona pulcella fu Eulalia... » Cette séquence de vingt-neuf vers, composée sur le même schéma rythmique que la séquence latine qui la précède, devait se chanter sur la même mélodie. On inséra d'autre part (folios 141 vo sqq.) un poème rédigé en langue germanique, le Ludwigslied, dédié au roi Louis après sa victoire de Saucourt (5 août 882). Comme pour les Serments de Strasbourg, on voit que le français accède à l'écrit associé à une autre langue vulgaire (la langue germanique), en un dialogue avec la langue savante et la langue de l'écriture qu'est le latin. Toutefois, le poème français n'est pas un calque de la séquence latine. Plus narratif, il met en œuvre, par ses images, la recherche de parallélismes et par son lexique une langue poétique essentiellement romane. Ce court poème constitue ainsi le premier monument de la littérature française.

— Bernard CERQUIGLINI

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Écrit par

  • : professeur de linguistique française à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

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