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SÉRAPHINE DE SENLIS (1864-1942)

Séraphine Louis a été « découverte » en 1912 par Wilhelm Uhde, le premier mari de Sonia Delaunay. Il l'employait à Senlis comme femme de ménage alors qu’elle peignait depuis quelques années déjà, sur les conseils de son ange gardien, dira-t-elle, qui lui était apparu un jour durant un office à la cathédrale et lui avait dit de se mettre au dessin.

Née à Arsy, dans l’Oise, le 3 septembre 1864, Séraphine Louis perd sa mère à l’âge d’un an et son père à six ans. Elle connaît l'enfance des filles pauvres de la campagne, que l'on envoie garder les vaches après l'école. Placée à douze ans comme domestique à Compiègne, et à dix-huit ans chez les sœurs de Saint-Joseph de Cluny, elle occupe ses quarante premières années à des tâches serviles, des « travaux noirs ». C'est dire combien le mystère de son talent reste entier, puisque la beauté lui fut révélée sans intermédiaire, par l'imprégnation de la cathédrale et de l'architecture médiévale de la ville de Senlis.

<em>L’Arbre du Paradis</em>, Séraphine de Senlis - crédits : André Held/ AKG-Images

L’Arbre du Paradis, Séraphine de Senlis

En regardant la rosace méridionale de la cathédrale, on observe des éléments de la structure architecturale qui réapparaissent dans certaines de ses œuvres comme L'Arbre de vie ou Feuilles (musée Maillol, Paris). Séraphine n’est pas allée à l’école, mais elle a des yeux pour voir et un imaginaire d’autodidacte qui lui permet d’apprendre les bases du métier. Wilhelm Uhde est immédiatement frappé par la qualité des œuvres que lui montre Séraphine :« Une passion extraordinaire, une ferveur sacrée, une ardeur médiévale avaient pris corps dans ces natures mortes », écrira-t-il.

La Première Guerre mondiale oblige Uhde à rentrer en Allemagne, tandis que Séraphine continue de peindre dans sa chambre de la rue du Puits-Tiphaine, à Senlis. Elle peint des fleurs, des fruits, des bouquets, des arbres, exposant trois œuvres en 1927 à la Société des amis des arts de Senlis : Un cerisier, Un bouquet de lilas sur fond noir, et Deux Ceps de vigne. C’est là que Wilhelm Uhde la redécouvre et lui achète toute sa production. Il lui fournit alors les grandes toiles qu'elle réclame, les couleurs qu'elle mélange avec une recette secrète, obtenant une pâte splendide au chromatisme mystérieux. C'est durant ces années 1927-1930 qu'elle peint ses plus grandes œuvres, dont certaines, comme L'Arbre de paradis, témoignent d’une expérience du sacré très singulière ; œuvre d'une « inspirée », dira-t-on, qui explore une mémoire mythique. « Ses tableaux d'arbres sont l'ARBRE. Le feuillage est le ciel ; chaque feuille un regard ; d'étranges fruits inquiètent », écrit Charlotte Calmis.

Sa maitrise de l’organisation d’un espace complexe contraste cependant avec la montée du péril intérieur. « Des méchantes femmes disent que c'est une effronterie de faire de la peinture quand on est une servante sans instruction », affirme-t-elle. La culpabilité – une femme de ménage a-t-elle le droit de peindre ? – a creusé en elle un abime souterrain. Une telle intensité créatrice vécue sur une base sociale si fragile pouvait-elle durer ? Ses dépenses et ses excentricités inquiètent ses voisins. Le 1er février 1932, elle est internée à l'hôpital psychiatrique de Clermont (Oise). Elle meurt de faim dans l’annexe de l’hôpital, à Villers-sous-Erquery, le 11 décembre 1942, dans les mêmes circonstances (sous l’occupation allemande), et la même année que Camille Claudel. Ainsi a disparu cette autre « suicidée de la société » (A. Artaud), qui avait souhaité qu’on grave sur sa tombe : « Ici repose Séraphine LOUIS MAILLARD (sans rivale) en attendant la résurrection bienheureuse. »

Sur une photo de Séraphine prise par Anne-Marie Uhde, on la voit debout, palette à la main, à côté de sa toile Les Grandes marguerites, la tête légèrement penchée,[...]

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<em>L’Arbre du Paradis</em>, Séraphine de Senlis - crédits : André Held/ AKG-Images

L’Arbre du Paradis, Séraphine de Senlis

Autres références

  • UHDE WILHELM (1874-1947)

    • Écrit par
    • 309 mots

    Il n'est sans doute pas un collectionneur qui aujourd'hui ne rêve d'avoir la chance et le flair de cet « autodidacte ». D'origine allemande, fixé en France en 1903, Wilhelm Uhde découvre immédiatement le Douanier Rousseau, sur lequel il sera le premier à écrire un livre : ...