SERER ET WOLOF
Organisation sociale et politique
La société traditionnelle wolof comprenait trois strates hiérarchisées. La classe supérieure est celle des hommes libres (diambour). Elle englobe la noblesse (garmi), les paysans libres (badolo), les marabouts (sérigne). La noblesse est composée des lignages royaux, des familles de dignitaires (chefs de province et cadres militaires). La seconde strate est celle des artisans à spécialisation héréditaire : griots (gewel), tambourineurs, forgerons et orfèvres, cordonniers, tisserands, travailleurs du bois à la vie itinérante. Les esclaves constituent le troisième niveau de la société wolof. Ils sont soit esclaves domestiques (ou captifs de « case »), soit esclaves de la couronne. Les premiers mènent une vie semblable à celle de leurs maîtres, les seconds sont des guerriers (tiedo) qui vivent de butin et de pillage et se confondent, aux yeux des paysans, avec l'aristocratie dont ils servent les intérêts. Ils avaient un chef, à la fois dignitaire et esclave. La croyance dans le fait que la trahison de ce chef devait entraîner la perte du royaume est un indice de l'importance de ces esclaves guerriers.
Ces strates sociales peuvent être dites castes, car elles étaient endogames et fermées. De l'une à l'autre il n'y avait pas de passage possible. Le roi lui-même ne pouvait anoblir un homme né à un niveau social inférieur. Le statut de descendant d'esclave s'est maintenu jusqu'à nos jours et l'endogamie des castes (qui ont toutefois tendance à disparaître) a été renforcée par l'islam.
Pendant longtemps les marabouts ont constitué le seul groupe social lettré. Savoir lire et écrire leur conférait grand prestige auprès de l'aristocratie animiste. Des terres leur étaient octroyées par celle-ci. Ils défendaient habituellement les paysans contre les exactions des guerriers-esclaves. Cette attitude protectrice prépara la voie à l'islamisation de toute la population.
En pays serer, une stratification analogue existait au Sine et au Saloum. La noblesse ne comprenait qu'un seul groupe héréditaire, celui des Guelowar. Dans ce groupe, la filiation était matrilinéaire. Un deuxième groupe, la paysannerie libre, contrôlait les biens fonciers et dominait les agriculteurs-tenanciers qui formaient le troisième groupe. Les paysans serer étaient des producteurs très efficaces ; ils excellaient dans les techniques d'élevage et d'agriculture. La sédentarisation et l'occupation intensive des terroirs apparaissent dans le paysage serer : on le compare souvent à un parc. L'élite paysanne, dont les ascendants étaient déjà installés avant l'arrivée des Guelowar, était constituée par les maîtres de la terre, les lamane. En eux se perpétuait le souvenir des premiers occupants de la terre et de leurs droits sur le sol.
Dans le Sine et le Saloum, une organisation politique et militaire se superposait à la paysannerie serer. Au sommet se trouvait le bur. Il était élu par un conseil restreint. Son choix devait être approuvé par deux dignitaires représentant ses sujets (ces deux dignitaires avaient été eux-mêmes nommés par le souverain précédent). Le bur, qui n'était pas d'origine paysanne, était donc « étranger ». Pour cette raison, il n'était pas un personnage sacré, mystiquement lié à la terre ; son pouvoir était purement politique et profane. Le souverain était chargé d'assurer la paix et la sécurité, tâche qu'il confiait à des spécialistes, des guerriers qui n'étaient pas non plus des paysans serer. De même que la défense et l'administration étaient assurées par des étrangers, la garde des troupeaux était confiée par les Serer à des bergers peuls. Le souci de la division du travail avec des ethnies complémentaires paraît caractériser les Serer.
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Écrit par
- Jacques MAQUET : professeur à l'université de Californie à Los Angeles
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