SERER ET WOLOF
Religion
Le paysan serer entretenait avec la terre des relations complexes et intenses, allant du magique au religieux. Sous la terre vivaient les pangol, âmes des ancêtres. On considérait que la société des vivants devait être constamment en rapport avec la société des pangol dont elle était le calque. Les pangol étaient consultés et honorés en toutes circonstances. Chaque année, avant l'hiver, avait lieu une chasse sacrée à laquelle tout le village participait ; elle avait pour but de rendre les pangol favorables ; certains signes, pendant le déroulement de la chasse, permettaient aux devins de prévoir la qualité de la prochaine récolte. En outre, chaque champ avait un génie propre dont il portait le nom, celui du premier homme qui l'avait défriché. Chaque acte du cycle agricole était pourvu d'un génie tutélaire, objet d'un culte spécifique. Les Serer, fort traditionalistes, ont résisté dans une large mesure à l'islamisation.
Les Wolof, au contraire, se sont tournés massivement vers l' islam à la fin du xixe siècle. Cette conversion fut principalement l'œuvre de la confrérie des Mourides, fondée par le marabout Ahmadou Bamba, né en 1850 dans le Cayor. Formé à la théologie par Cheikh Sidia, maître de la Qādiriya, installé à Tindouja en Mauritanie, il fut investi par lui de la charge de khalife en pays wolof. Sa réputation lui attira rapidement de nombreux fidèles avec l'aide desquels il fonda un premier village. Son pouvoir spirituel lui valut la soumission totale de ses fidèles, les talibe, recrutés surtout parmi les paysans qui ainsi échappaient aux exactions de la noblesse. Cela donna au mouvement, dès le début, une portée politique. Ces hommes qui ne reconnaissaient d'autre pouvoir que celui de Dieu furent rapidement considérés comme des anarchistes tant par la noblesse que par l'administration coloniale. Cette dernière s'en prit au prophète : il fut exilé au Gabon en 1895. Il en revint en 1902, ayant approfondi sa doctrine, ayant poursuivi son effort ascétique ; auréolé de sainteté, Ahmadou Bamba vit son prestige grandir. Pour adapter les moyens de sanctification aux conditions variées de ses disciples, il ajouta à la prière et à l'étude le travail. Ses talibe mettant toute leur ferveur à défricher, il se trouva bientôt à la tête d'une puissance économique considérable.
Le mouridisme connut un grand succès qui s'explique en partie par le fait qu'il assimile à l'islam certaines valeurs traditionnelles wolof telles que la noblesse reconnue au travail de la terre. Les mourides reprirent aussi dans leur système d'éducation des jeunes les classes d'âge qui existaient traditionnellement chez les Wolof. Actuellement, l'institution mouride a une importance religieuse et économique. Grâce à la générosité des fidèles, l'élégante mosquée de Touba a été élevée sur le tombeau du fondateur.
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Écrit par
- Jacques MAQUET : professeur à l'université de Californie à Los Angeles
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