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BOZON SERGE (1972- )

Né en 1972 à Aix-en-Provence, Serge Bozon, critique, acteur, professeur de logique et cinéaste, a été révélé par Tip Top (2013)comme une des figures marquantes du renouveau du cinéma français contemporain. Avec les cinéastes Jean-Charles Fitoussi, Vincent Dieutre, Axelle Ropert, qui furent comme lui critiques pour la revue La Lettre du cinéma de 1997 à 2005, il se situe à l’écart des courants majoritaires mais peu novateurs du cinéma français où dominent trop souvent une sociologie et un naturalisme artificiels. Ainsi, il rejoint d’autres metteurs en scène, Patricia Mazuy (Sport de filles), Alain Guiraudie (L’Inconnu du lac), Justine Triet (La Bataille de Solferino), dont les œuvres originales et indépendantes refusent elles aussi les étiquettes et les recettes commerciales.

Deux moyens-métrages, L’Amitié, auto-produit en 1998, puis Mods (2003), l’ont fait connaître. Ce dernier film, dont l’action a pour décor l’architecture de la Cité universitaire de Paris, est un alliage savoureux de comédie musicale chantée et dansée et de film de complot, dans le sillage de Jacques Rivette. Un premier long-métrage, La France (2007), met en scène une jeune femme, interprétée par Sylvie Testud, qui, déguisée en soldat, décide durant la Première Guerre mondiale de rejoindre les lignes pour retrouver son mari au front. Présenté au festival de Cannes puis dans de nombreux festivals à l’étranger, le film se veut à la fois un mélodrame féminin et un film de guerre à la manière de Raoul Walsh. La troupe des soldats y entonne brusquement des complaintes qui commentent l’action et renforcent la mélancolique poésie de l’œuvre.

Contre le naturalisme

Le deuxième long-métrage de Serge Bozon, Tip Top, est une étrange comédie policière qui a divisé aussi bien le public que la critique. Adapté d’un roman policier du Britannique Bill James, sur un scénario d’Axelle Ropert, collaboratrice de longue date de Bozon, le film en transpose l’intrigue dans une ville du nord de la France. Là, deux inspectrices de la « police des polices » enquêtent au sein du commissariat local sur le meurtre inexpliqué d’un indicateur, un ancien policier algérien réfugié en France dans les années 1990. L’atmosphère provinciale comme le rôle principal attribué à Isabelle Huppert (au côté de Sandrine Kiberlain) pourraient faire croire que le film tend vers l’étude de mœurs chabrolienne. Mais si Bozon admire Chabrol pour la rigueur de sa mise en scène, et s’il aime comme lui retenir les leçons de Fritz Lang, il s’en éloigne radicalement en choisissant une stylisation d’un violent anti-naturalisme.

Le casting de Tip Top est incongru. Isabelle Huppert côtoie le comique belge François Damiens et forme un couple avec Sami Naceri, l’acteur principal du très populaire Taxi. La narration s’avère déconcertante par la multiplicité des péripéties et des personnages. Ceux-ci se révèlent hors normes, à l’instar de celui d’Isabelle Huppert qui parle couramment arabe, rudoie tous ceux qu’elle interroge, et se livre aux délices du sadomasochisme conjugal. Les images volontairement sans attrait s’éloignent de toute esthétisation. Le cinéaste a recherché sciemment de surréelles ambiances nocturnes pour ses scènes de nuit et, à l’inverse, une lumière blanche et violente pour beaucoup de scènes de jour. Les ruptures de ton s’enchaînent, des scènes dramatiques succédant à des scènes ouvertement burlesques, tandis qu’à d’autres moments le ton de la séquence bascule, par le jeu des dialogues et la grâce des comédiens, du rire à l’émotion.

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Écrit par

  • : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot

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