BOZON SERGE (1972- )
Le mélange des genres
Tip Top n’est ni un véritable film policier, ni une vraie comédie, pas plus qu’un film politique, même s’il y est beaucoup question des relations entre la France et l’Algérie. Pourtant, il est tout cela à la fois. Pour le cinéaste, jouer la loi d’un genre où l’intrigue, les personnages, la narration seraient codifiés trahirait la liberté qu’il veut accorder à chacune de ses œuvres. Il refuse en conséquence de se conformer à un genre conditionné par les systèmes de production et de diffusion du cinéma pour privilégier la liberté de ton du film et celle du spectateur. À celui-ci de choisir de rire, d’être stupéfié ou effaré devant certaines scènes étranges, sinon choquantes.
En effet, Serge Bozon n’avance aucune thèse, ni sur la police, ni sur l’humanité, ni sur l’immigration. Et encore moins sur le cinéma, au contraire de beaucoup de metteurs en scène contemporains. Ses modèles sont les petits maîtres du cinéma hollywoodien des années 1940 et 1950, notamment Jacques Tourneur, ou encore les cinéastes français Paul Vecchiali, Pierre Zucca et Jean-Claude Biette, actifs à partir des années 1970, dont les films étaient marqués par la précision de la mise en scène, l’humour intellectuel et une rapidité de réalisation dictée par la précarité de leurs financements. Aux premiers, Serge Bozon envie leur capacité à être des « cinéastes de commandes » (et non des « auteurs » comme l’entend le marketing du cinéma), aux seconds leur singularité. Bien qu’il puisse déconcerter, Tip Top témoigne de la volonté sincère de Bozon de réaliser des films populaires, capables de trouver leurs spectateurs à la fois dans les multiplexes et dans les salles Art et Essai, en niant la séparation sociologique trop souvent opérée entre les catégories de publics.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre GRAS : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification