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CHARCHOUNE SERGE (1888-1975)

Sergueï Ivanovitch Charchoune est né à Bougourouslan (Russie), d'un père descendant de serfs d'origine slovaque, individualiste et anarchisant, et d'une mère russe. Élevé avec sévérité dans une foi qu'il a gardée toute sa vie, il se situe dès son enfance au centre de la trinité musique-poésie-peinture. Si cette dernière l'attire pour toujours, il ne renoncera jamais tout à fait aux deux autres.

Il est refusé à l'Académie de Kazan, parce qu'il déteste le dessin. Soldat russe, il déserte.

À Paris, en 1912, il découvre, non l'art moderne, qu'il connaît depuis son séjour à Moscou, mais Delacroix au Louvre. Dans le groupe Dada, il dit lui-même qu'on n'entendait pas sa voix. Avec les cubistes, il trouve un peu de sa vérité... dans l'ornement. Quand éclate la révolution de 1917, il part d'enthousiasme pour la Russie... et ne va pas plus loin que Berlin. Au cours de ses dernières années, dans l'orgie des couleurs et des signes qui submergent la peinture, il peint blanc sur blanc. Il meurt à Villeneuve-Saint-Georges, au retour d'un voyage aux îles Galapagos.

Cette biographie, où les faits et même les lieux ont un caractère étrange, est en réalité une exacte illustration de son art. Attentif à tout, Charchoune n'est cependant qu'à l'étude de lui-même. Quoi qu'il en ait, malgré les rencontres, les voyages, les expériences les plus diverses (il a pratiqué bien des métiers pour vivre), il n'a jamais accepté de vrai contact avec l'extérieur. Le reste du monde ne concerne pas sa peinture. Il se distingue radicalement des peintres les plus abstraits, Poliakoff, Lanskoy, Mondrian et Malevitch, qui ont toujours eu l'ambition d'exprimer une équivalence de l'existant. Même quand les formes ont disparu, quand les lignes de force se sont évanouies, quand la couleur a renoncé à toute modulation, jusqu'à Charchoune le tableau a toujours sauvé, fût-ce dans la dérision, l'intention d'être une réplique de l'expérience que le peintre a du monde. Charchoune, au contraire, a été conduit à effacer progressivement de sa peinture toute trace du monde sensible et même du monde imaginé. Il a confié que ses premières œuvres de jeunesse, perdues aujourd'hui, étaient des compositions naïvement abstraites, irrationnelles plutôt que surréalistes et d'un caractère mystique. Le cubisme, découvert à Moscou, mais expérimenté avec Henri Le Fauconnier à Paris où il arrive en 1912, lui est une occasion à la fois de se libérer des contraintes de la représentation et de discipliner son tempérament russe trop désordonné à ses yeux. Un séjour forcé à Barcelone de 1914 à 1918 accentue les distances qu'il prend avec la représentation et lui fait découvrir son goût de l'ornemental au contact de l'art hispano-mauresque. Dada, entrevu à Barcelone en la personne de Picabia, lui donne l'occasion à Berlin de s'affirmer surtout par la poésie. Il dira par la suite que ses relations avec ce mouvement étaient superficielles, mais il faut toutefois remarquer que Charchoune fut l'auteur de la seule revue en langue russe se réclamant de Dada (Pérévoz Dada, Berlin-Paris, 1922-1934, 13 numéros parus) et d'un ouvrage de présentation du dadaïsme (Dadaizm, Berlin, 1923). De retour à Paris, il découvre la théosophie de Rudolf Steiner dont la marque, dit-il, est désormais présente dans son œuvre picturale. Il pratique alors pour une longue période un cubisme ornemental qui fait l'admiration de Picasso, puis il subit passagèrement l'influence du purisme d'Ozenfant. Dans ses Paysages élastiques, sortes de combinaisons de dadaïsme et de purisme, l'arabesque devient l'élément prépondérant. Au moment de la crise de 1929, Charchoune revient à la peinture d'après nature ; si les objets (pipe, carafe,[...]

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