LEBOVICI SERGE (1915-2000)
Serge Lebovici, professeur de psychiatrie et psychanalyste, est né le 15 juin 1915 à Paris et mort le 11 août 2000 à Marvejols (Lozère). Les événements du xxe siècle ont imprimé à ses engagements institutionnels un sceau conservateur qui lui valut autant de fidèles que d'adversaires.
Fils aîné d'une famille d'émigrants juifs roumains, il suivit les traces de son père, qui était médecin. Jeune interne, il est mobilisé en 1940 et, fait prisonnier, envoyé à Nuremberg. Libéré en 1941, il obtient son doctorat et se marie. En 1942, son père est arrêté par la Gestapo. Il parvient à sauver sa femme en prétendant qu'il s'agit d'une maîtresse. Il est déporté à Pithiviers puis à Auschwitz où il mourra. Caché par des communistes, Serge Lebovici adhère au parti en 1945, moins par idéologie que par reconnaissance envers les militants. En 1946, orienté vers la pédiatrie, il est assistant de Georges Heuyer à l'hôpital des Enfants malades lorsqu'il commence une analyse avec Sacha Nacht, grand clinicien de la Société psychanalytique de Paris (SPP), instigateur du courant médical. Pourtant, en 1949, conformément à la doctrine culturelle du jdanovisme et sur ordre du PCF, il accepte avec d'autres psychiatres – notamment Lucien Bonnafé, Louis Le Guillant et Sven Follin – de signer un article autocritique, publié par La Nouvelle Critique, où la psychanalyse est qualifiée d'idéologie réactionnaire au service de l'impérialisme américain. Rappelé à l'ordre par Nacht, il démissionne du parti.
Au sein de la SPP, Lebovici est en faveur d'une psychanalyse réservée aux médecins, et combat les partisans de l'analyse profane – exercée par des non-médecins –, regroupés autour de Daniel Lagache, Françoise Dolto et Jacques Lacan. Ces derniers feront scission en 1953.
Succédant à Nacht au poste de directeur de la SPP de 1962 à 1967, il a un rôle clé dans le combat contre le lacanisme et certains chefs de file de la psychanalyse des enfants en France, tant en institution qu'à l'hôpital (Jenny Aubry, Françoise Dolto, Maud Mannoni).
Avec Philippe Paumelle et René Diatkine, Lebovici fonde en 1954 l'Association de santé mentale du XIIIe arrondissement de Paris, d'où naîtra en 1958 le centre Alfred-Binet, lieu de consultations publiques où exercent des psychanalystes – une première expérience de « sectorisation », dans le prolongement de la psychothérapie institutionnelle expérimentée à Saint-Alban pendant la Seconde Guerre mondiale et réflexions du groupe de L'Évolution psychiatrique (Henri Ey, Eugène Minkowski). Face à l'enfermement des enfants psychotiques et autistes, on y propose des psychothérapies individuelles ou de groupe. L'importante activité clinique se traduira par nombre d'ouvrages publiés dès cette période avec des coauteurs et dans une revue, La Psychiatrie de l'enfant, créée en collaboration avec Diatkine et Julian de Ajuriaguerra. Plus tard, en 1972, il fonde avec ces derniers ainsi que Michel de M'Uzan et Serge Viderman la collection Fil rouge aux Presses universitaires de France.
Nommé professeur associé de psychiatrie à l'hôpital Avicenne de Bobigny (1979-1985), Lebovici approfondit sa recherche sur la psychiatrie du nourrisson en développant les théories de John Bowlby et Tessy Berry Brazelton, inspirées de l'éthologie animale, sur « l'attachement » à la base des interactions précoces mère-enfant, réelles et fantasmatiques, prises dans le réseau des influences culturelles et transgénérationnelles. À Bobigny, il ouvrira aussi une consultation d'ethnopsychiatrie.
Peu après son élection à la présidence de l'International Psycho-analytical Association (IPA), lors du congrès de Paris de juillet 1973, Serge Lebovici fut informé qu'un médecin militaire élève de la société psychanalytique[...]
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Écrit par
- Anny COMBRICHON : psychanalyste, pédopsychiatre, attachée des hôpitaux de Lyon
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