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LECLAIRE SERGE (1924-1994)

De son vrai nom Liebschutz, Serge Leclaire est né à Strasbourg dans une famille juive agnostique, respectueuse des fêtes et des traditions. Durant ses études au lycée Fustel-de-Coulanges, il rencontre Wladimir Granoff, qui deviendra psychanalyste comme lui. Dès les accords de Munich, son père, fondateur d'une usine de tricotage, quitte l'Alsace avec toute sa famille pour un long périple qui le mène à Marseille. Là, il obtient de faux papiers au nom de Leclaire. À la Libération, il adoptera légalement ce patronyme, qui sera ensuite accepté par son fils.

Après des études classiques de psychiatrie, Serge Leclaire fait la connaissance d'un moine hindou qui lui parle pour la première fois de la psychanalyse et lui conseille de rencontrer Françoise Dolto. C'est alors qu'il retrouve son camarade Granoff à l'hôpital parisien de la Salpêtrière et s'engage avec lui dans la voie du freudisme. Pendant trois ans, il poursuit une cure à visée didactique sur le divan de Jacques Lacan, tout en nouant, à l'intérieur de la Société psychanalytique de Paris (S.P.P., fondée en 1926), des liens étroits avec les hommes et les femmes de la troisième génération française. Parmi les plus intimes, Jean Laplanche et Anne-Lise Stern. Serge Leclaire devient progressivement le disciple d'un maître exceptionnel, Jacques Lacan, qu'il admire sans courbettes ni soumission. Il sera le premier lacanien de l'histoire.

En 1953, au moment de la première scission de l'histoire du mouvement psychanalytique français, il suit la fraction dite “libérale” et “universitaire” représentée par Daniel Lagache, Françoise Dolto et Jacques Lacan, et participe ainsi à la création de la Société française de psychanalyse (S.F.P., 1953-1963) dont il est d'abord le secrétaire puis le président, avec, entre 1961 et 1965, le statut de membre à titre personnel de l'International Psychoanalytical Association (I.P.A., fondée en 1910).

Avec Granoff et François Perrier, il consacre alors les plus belles années de sa vie à lutter pour l'intégration de la S.F.P. à l'I.P.A. C'est à lui que revient la charge principale de la négociation secrète avec la direction de l'internationale freudienne, qui refuse non pas le lacanisme comme doctrine, mais la technique psychanalytique transgressive inaugurée par Lacan et fondée sur la notion de “séance à durée variable”, dite encore “séance courte”.

En 1963, la politique mise en œuvre par Leclaire aboutit à la rupture définitive entre le lacanisme et la légitimité freudienne. Désespéré par cet échec, mais toujours lucide, animé à la fois d'une éthique rationnelle de la fidélité et d'une forte passion pour le rêve prophétique et le spiritualisme, il suit Lacan dans la création de l'École freudienne de Paris (E.F.P., 1964-1981), dont il rédige en partie les statuts. Devenu le clinicien le plus authentique, le plus courageux et le plus aimé de la France freudienne, il tentera, pendant trente ans, d'unifier la communauté psychanalytique française, toujours en voie de dispersion, de scissions, de conflits.

Après avoir été l'initiateur en 1969 du premier département d'enseignement de la psychanalyse à l'Université (Vincennes, Paris-VIII), il sera aussi, en 1983, le seul clinicien d'envergure à oser se confronter au risque de la “cure en direct” pour la télévision, avec l'émission Psy-show. Quand l'expérience se révélera trop vulgaire et marquée d'une tonalité perverse, il l'abandonnera. En 1989, une dernière fois, il se mettra au service de son rêve unificateur en créant une Association pour une instance des psychanalystes (A.P.U.I.) destinée à préserver la psychanalyse des dérives vers les thérapies corporelles, l'hypnose ou l'occultisme.

L'œuvre écrite de ce grand serviteur de la[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche à l'université de Paris-VII, vice-présidente de la Société internationale d'histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse

Classification

Autres références

  • PERRIER FRANÇOIS (1922-1990)

    • Écrit par
    • 628 mots

    Avec François Perrier disparaissait l'un des représentants les plus fameux de la troisième génération psychanalytique française : celle qui fit l'âge d'or du freudisme dans ce pays en se nourrissant de l'enseignement de Lacan et en donnant à cet enseignement son impulsion majeure....