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EISENSTEIN SERGE MIKHAÏLOVITCH (1898-1948)

Eisenstein - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Eisenstein

Dans le demi-siècle qui a suivi la disparition d'Eisenstein, à l'âge de cinquante ans, sa place au tout premier plan de l'histoire du cinéma s'est confirmée. Ses six films donnent l'image d'un cinéaste démiurge, capable de recréer un monde de toutes pièces pour l'imposer à la vision du spectateur. Plus encore, ce génie qui s'est imposé dans un État totalitaire apparaît comme la seule figure de la culture sans doute à avoir été capable de faire pièce au dictateur. Quant à l'énorme apport du théoricien, cette dimension moins connue de son vivant s'affirme sans cesse, au fur et à mesure qu'émerge une œuvre écrite, encore en majeure partie inédite, qui entretient un dialogue avec les courants de pensée les plus divers.

Du théâtre au cinéma

Serge Mikhailovitch Eisenstein, né à Riga en 1898, grandit dans un milieu cosmopolite et artistique. Son père a transfiguré la ville, créant des maisons où sculpture, théâtre et architecture se mêlent dans l'esprit de l'Art nouveau. Il apprend plusieurs langues, se plonge dans les livres, crée des histoires en images. À la suite de son père, il entreprend des études d'architecture, qu'interrompent, presque simultanées, sa découverte du théâtre et la révolution bolchevique. Pendant la guerre civile, il décore des trains et des camions, peint des bannières à la gloire de la révolution. Démobilisé à l'automne 1920, il devient décorateur au théâtre du Proletkult. En 1921, il entre à l'atelier de Meyerhold, qui enseigne la biomécanique, mettant en jeu tout le corps du comédien. Mais ses propositions pour faire éclater le cadre du théâtre sont plus radicales encore que celles de son maître, et il doit le quitter. En 1923, il revisite avec Serguei Tretiakov Le Sage, une pièce classique d'Ostrovski, qu'il met en scène au théâtre du Proletkult. Un film de quelques minutes y est intégré : Le Journal de Gloumov, où il combine la satire politique, les éléments clownesques, les excentricités et les truquages, inspirés peut-être des films de Méliès, vus dans son enfance. Il publie dans Lef, la revue de Maïakovski, son manifeste théâtral Le Montage des attractions, met en scène deux pièces de Tretiakov, Entends-tu, Moscou ? et Masques à gaz, cette dernière montée dans une usine à gaz désaffectée.

La volonté de faire éclater les limites de l'art dramatique l'amène en toute logique au cinéma. En 1924, il participe à l'atelier de Lev Koulechov, qui élabore une méthode de jeu inspirée du cinéma américain. Puis il assiste Esther Choub lors du remontage d'un Dr Mabuse, de Fritz Lang. Il découvre que, par le montage, on peut modifier la réalité, montrer ce qui n'est pas visible. « En chacune de ces étapes, écrit Jean Collet, il y a toujours l'obsession du langage. Et chaque fois la volonté de le posséder, d'atteindre à une maîtrise absolue de ses éléments. Il y a déjà le procès d'un mode de pensée purement rationnel, la recherche d'un outil permettant d'exprimer le monde des sentiments avec la même rigueur que le langage mathématique. Bref, Eisenstein croit qu'on peut briser la vieille barrière entre l'approche rationnelle et l'approche sensible du monde. Il met toute sa science au service de la sensibilité. L'instrument tout neuf qu'est le cinéma lui paraît le plus apte à cette démarche ambitieuse. »

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Eisenstein - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Eisenstein

<it>Ivan le Terrible</it>, S. M.&nbsp;Eisenstein - crédits : Sovfoto/ Universal Images Group/ Getty Images

Ivan le Terrible, S. M. Eisenstein

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