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PROKOFIEV SERGE (1891-1953)

La période soviétique (1933-1953)

En décembre 1932, Prokofiev choisit de se fixer en Union soviétique. Il reçoit rapidement des commandes d'État : Lieutenant Kijé, une partition destinée au film de Feinzimmer, dont il tirera une suite d'orchestre (1933), le conte pour enfants Pierre et le loup (1936), Roméo et Juliette (1935-1938) qui marque les débuts de sa collaboration avec les ballets soviétiques. En 1937, il obtient sans trop de difficulté la citoyenneté soviétique (il avait, en effet, quitté son pays natal avec l'autorisation des autorités légales et, à ce titre, n'avait pas de statut de réfugié lorsqu'il vivait en Occident). L'année suivante, il effectue sa dernière tournée aux États-Unis. Le régime stalinien commence alors à se durcir et l'emprise du pouvoir ne cesse de s'affirmer dans le domaine artistique. Sa Cantate pour le XXe anniversaire de la révolution (1937) est refusée par la censure car les textes des grands théoriciens (Marx, Lénine...) ne doivent pas être mis en musique ! En 1938, il collabore avec Eisenstein au film Alexandre Nevski dont il tire une cantate. L'année suivante voit la naissance de son premier opéra soviétique, Siméon Kotko, inspiré des événements de la guerre civile en Ukraine.

En 1940, il rencontre sa future compagne, la poétesse Myra Mendelssohn, qu'il ne pourra pas épouser, n'ayant jamais divorcé de Lina Llubera. Elle jouera un rôle essentiel dans l'orientation dramatique et le choix des livrets de ses deux prochaines œuvres lyriques avant d'être condamnée, en 1946, à huit ans de camp de travail. Tous deux élaborent le texte d'un opéra-comique d'après La Duègne de Sheridan : Les Fiançailles au couvent (1940). Puis Prokofiev s'attaque à une réalisation monumentale, qui l'occupera pendant plus de dix ans, un opéra d'après Guerre et paix de Tolstoï (1941-1952). Pendant la guerre, il est évacué dans le Caucase, comme la plupart des intellectuels. Il travaille à un nouveau film d'Eisenstein, Ivan le Terrible (1945), dont le premier épisode est couronné du prix Staline et le second censuré. Il ne sera présenté qu'en 1958.

Prokofiev trouve parmi les jeunes interprètes soviétiques les propagateurs d'une musique moins officielle : Sviatoslav Richter crée les sixième et septième sonates pour piano (1943) avant de recevoir en dédicace la neuvième qui sera créée en 1949 ; Emil Guilels crée la huitième (1944) ; Prokofiev transcrit à l'intention de David Oïstrakh sa sonate pour flûte et piano qui devient la seconde sonate pour violon et piano (1943-1944). En 1945, il compose la cinquième symphonie et le ballet Cendrillon. L'année suivante, il se voit assigné à résidence à Nikolina Gora, non loin de Moscou. Il ne pourra se rendre dans la capitale que pour les exécutions de ses œuvres, généralement des partitions de circonstance. Cette soumission au régime ne le tient pas à l'écart des foudres du décret de 1948 attaquant le formalisme des compositeurs soviétiques ; il est particulièrement visé pour Guerre et paix, dont une première version avait été représentée à Leningrad en 1946. Il travaille à un nouvel opéra, Histoire d'un homme véritable, qui traite de l'héroïsme du pilote Alexeï Meresiev pendant la Seconde Guerre mondiale : la seule exécution (privée) donnée du vivant de Prokofiev soulève une opposition unanime. Il faudra attendre la déstalinisation pour voir cet opéra représenté (1960). Avec l'oratorioLa Garde de la paix (1950) et le poème symphonique La Rencontre de la Volga et du Don (pour l'inauguration du canal reliant les deux fleuves en 1951), il retrouve les faveurs des autorités. Il pourra passer ses derniers hivers à Moscou : en 1952, il remanie, à l'intention de Rostropovitch, son concerto pour violoncelle op. 33 (1933-1938) qui devient[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

Classification

Médias

Prokofiev, Chostakovitch et Khatchatourian - crédits : AKG-images

Prokofiev, Chostakovitch et Khatchatourian

Serge Lifar et Lubov Tchernicheva - crédits : Sasha/ Hulton Archive/ Getty Images

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