REGGIANI SERGE (1922-2004)
Acteur et chanteur. Serge Reggiani est né le 2 mai 1922 à Reggio nell'Emilia, en Italie du Nord. En 1930, les violences fascistes contraignent sa famille à l'émigration et à l'installation définitive à Paris, où les parents tiennent un salon de coiffure. L'enfant s'adapte vite et bien. Bon élève, mais apprenti maladroit, il se montre séduit par l'ouverture d'un Conservatoire des arts cinématographiques, avant de se tourner vers le Conservatoire national d'art dramatique. En 1941, deux seconds prix (tragédie et comédie) récompensent le jeune acteur. Au début de la guerre, il s'était hasardé sur les planches, pour distiller l'humour décapant de Roger Vitrac (Le Loup-garou), ou célébrer Baudelaire dans le cabaret d'Agnès Capri. Son talent s'épanouit dans Paris occupé. Lorsqu'il reprend Les Parents terribles, en 1942, il est victime de la cabale qui vise Jean Cocteau. Louis Daquin lui confie la « silhouette » de Bob, le mauvais fils, dans Le Voyageur de la Toussaint (1942). Son visage heurté retient l'attention. Après avoir vu Le Carrefour des enfants perdus de Léo Joannon (1943) Robert Brasillach s'enthousiasme, dans les Chroniques de Paris, « pour l'autorité et la force de l'acteur... mais aussi cet air fermé et têtu, l'éclat des yeux sombres, le feu intérieur ». Après la guerre, le cinéma tel qu'il se fait sous l'égide de Jacques Prévert le comble : il joue dans Les Portes de la nuit (Marcel Carné, 1946), Les Amants de Vérone (André Cayatte, 1948) et, tient le premier rôle de La Fleur de l'âge (Marcel Carné, 1947), qui demeure malheureusement inachevé. Il prête également sa voix au tendre ramoneur du dessin animé de Paul Grimault, La Bergère et le Ramoneur (1952). Cynique et persifleur, il campe le frère de Manon (Henri-Georges Clouzot, 1947). Dans Retour à la vie (Jean Dréville 1948), il remâche l'amertume d'un prisonnier français, marié à une Allemande, et en proie à la haine à son retour en France. Il lui revient également, en fantassin effronté, d'ouvrir et de fermer La Ronde de Max Ophüls (1950).
Au théâtre, Serge Reggiani interprète et met en scène Hamlet (1947), vit les affrontements de La Terrasse de Midi (Maurice Clavel, 1947) et les crises des Justes (Albert Camus, 1949). Il se prodigue dans La Dévotion à la Croix (Calderón, 1953) après avoir ferraillé dans une adaptation des Trois Mousquetaires (1951). Jacques Becker lui offre alors de jouer dans Casque d'or (1952) Manda, l'amant taciturne de Simone Signoret. Ce rôle admirable, où l'amour fou s'entrelace à la pure amitié, marqua si bien l'acteur que plus tard il chantait encore « un menuisier dansait » pour évoquer la valse éternelle de Casque d'or et de Manda sous les arceaux de la guinguette. L'échec incompréhensible de ce chef-d'œuvre blessa Reggiani. Il entreprit par la suite de jouer dans une douzaine de films italiens, dont La Grande Pagaille (Luigi Comencini, 1960), Le Guépard (Luchino Visconti, 1962), plus tard Touche pas à la femme blanche (Marco Ferreri, 1973) et La Terrasse (Ettore Scola, 1980). En France, Duvivier, Melville, Lelouch et Sautet l'ont également sollicité, mais aussi Angelopoulos et Kaurismäki.
L'année 1959 marque le triomphe, au théâtre de la Renaissance, des Séquestrés d'Altona, pièce de Jean-Paul Sartre et chant du cygne de l'acteur qui interprète le rôle de Franz von Gerlach. Bien conseillé, encouragé par Barbara, Serge Reggiani entame à quarante-deux ans un parcours de chanteur jalonné par des récitals à l'Olympia et à Bobino. Son sens dramatique, sa précision, l'âpre résonance de ses accents bouleversent ses auditeurs. Son fils Stéphan chante à ses côtés. Mais en 1980 le désespoir conduit au suicide ce garçon prometteur.
C'est alors[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Raymond CHIRAT : historien de cinéma
Classification
Autres références
-
AIMÉE ANOUK (1932-2024)
- Écrit par Christian VIVIANI
- 1 076 mots
L’actrice française Anouk Aimée, de son vrai nom Nicole Dreyfus, est née le 27 avril 1932 à Paris de parents acteurs, Henry Murray et Geneviève Sorya. Bientôt, le couple divorce, la guerre éclate et les origines juives de l’enfant la mettent en danger. Sa mère lui fait alors porter son nom de jeune...
-
ARRANGEURS DE LA CHANSON FRANÇAISE
- Écrit par Serge ELHAÏK
- 7 929 mots
- 3 médias
...chansons. À partir de 1970, une nouvelle aventure démarrera pour Raymond Bernard qui deviendra, pendant plusieurs décennies, un collaborateur essentiel de Serge Reggiani, écrivant notamment pour lui la musique de la chanson Ma fille. L’accordéoniste Jo Moutet (1926-2002) arrange quant à lui des chansons... -
CASQUE D'OR, film de Jacques Becker
- Écrit par Laurent JULLIER
- 853 mots
- 1 média
Nombre des films de Jacques Becker (1906-1960) sont passés à la postérité, qu'elle soit celle de la cinéphilie institutionnelle (Godard n'a jamais tari d'éloges sur Le Trou (1960), dont il a monté des extraits dans ses Histoire(s) du cinéma) ou celle du grand public (Ali Baba...
-
DABADIE JEAN-LOUP (1938-2020)
- Écrit par Véronique MORTAIGNE
- 1 040 mots
Le Français Jean-Loup Dabadie fut à la fois scénariste, dialoguiste, parolier, écrivain, auteur de théâtre et de sketchs. Homme courtois, drôle et élégant, il sut manier les arts dits simples et légers, jusqu’à les mener à l’Académie française, où il fut élu en 2008 – une première pour la vénérable institution....