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SÉRIE, art

Lorsqu'on parle de série en art, on désigne soit un ensemble ordonné d'œuvres régies par un thème, support d'un problème plastique à résoudre, soit une multiplicité de figures plus ou moins équivalentes résultant d'un jeu combinatoire ou encore d'un traitement répétitif systématique.

Donc, en premier lieu, il y a série chaque fois qu'un peintre exécute, à partir d'un modèle ou d'une même donnée formelle, une suite continue d'objets qui représentent dans leur succession un itinéraire progressif dans la recherche. Les nativités, les natures mortes dans leur répétition thématique concentrent toute l'attention sur les problèmes de forme, de couleur, de matière, jusqu'à n'apparaître que comme des prétextes ou comme des contraintes acceptées. On retrouve la même concentration thématique dans la gravure où les recherches effectuées d'un tirage à l'autre nous révèlent la véritable nature exercitive du travail artistique. Ainsi l'œuvre entier d'un peintre peut être considéré dans sa continuité systématique comme la production d'une ou de plusieurs séries de solutions apportées à des problèmes plastiques historiquement fort précis. La série des Montagne Sainte-Victoire, les Nymphéas de Claude Monet, les natures mortes cubistes (celle de Picasso, de Braque ou de Juan Gris) conduisent à méditer sur cette fascination du regard obsédé par un thème que le travail pictural fait disparaître par l'effet d'exercices formels de plus en plus déréalisants. C'est que le travail sériel contient le destin temporel de la vision : l'œil ne s'arrête pas arbitrairement sur un simple prétexte, il choisit l'objet sur lequel il va s'acharner, car la série a pour but de dénaturer et, à chaque moment de l'histoire, c'est une nouvelle idéologie de la nature à laquelle le peintre s'affronte. De ce point de vue, les arbres de Mondrian sont exemplaires : issus de la tradition romantique et du paysage néerlandais, ils se transforment en cortex d'encre noire, puis, dans l'horreur du vert, deviennent structures arborescentes et géométrie de la méditation. Le vocabulaire purement plastique des Compositions est l'aboutissement méthodique de ce tranquille massacre du naturalisme.

L'exemple de Mondrian conduit au seuil de la seconde problématique impliquée par la série : la combinatoire. Ici la série apparaît comme la suite indéfinie des possibilités offertes par tel ou tel vocabulaire plastique. Une œuvre étant décomposable en un certain nombre d'éléments et de relations qui fonctionnent comme une axiomatique, une multitude de combinaisons peuvent s'obtenir à partir du simple jeu des permutations possibles entre ces éléments. L'exercice n'est plus une création progressive mais une multiplication résultant d'un inventaire systématique des figures possibles. Cette perspective combinatoire peut être aussi bien articulée au vieux rêve leibnizien qu'à la théorie informatique. L'exercice sériel combinatoire est souvent solidaire d'un désir de démystification de l'art. Certains artistes voudraient par là en finir avec l'art élitiste, producteur d'objets uniques et rares. Ainsi pourrait-on associer les effets multiplicateurs de l'art combinatoire à la diffusion des multiples.

L'idéologie plus ou moins démocratisante de certains artistes sériels est à son tour critiquée et débordée par une génération de peintres pour qui la série a un tout autre sens : il s'agit pour eux, et c'est le troisième aspect de la série, de la répétition pure et simple, calquée sans la moindre emphase sur la production industrielle et la simultanéité. Le temps y est figé ; la répétition déploie son pouvoir obsédant à des fins politiques. Ainsi agissent les artistes du pop art : les boîtes[...]

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