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GENRE

Indissociables des mouvements de libération des femmes des années 1960-1970, les études consacrées aux femmes, « études féministes » ou encore women studies, sortes d'« effets théoriques de la colère des opprimées », selon la formule de Colette Guillaumin, se développèrent dans les pays anglo-saxons et en Europe occidentale afin de dénoncer les inégalités de traitement dont celles-ci étaient victimes dans la plupart des domaines de la vie sociale (accès aux études et au travail, maîtrise de son corps, charges parentales et domestiques, etc.). Il s'agissait avant tout de compenser une vision scientifique jusqu'alors « androcentrée », c'est-à-dire essentiellement fondée sur le rôle des hommes dans l'histoire et l'organisation des sociétés, de remédier aux Silences de l'histoire soulignés par l'historienne Michelle Perrot.

Le genre comme construit social

Simone de Beauvoir - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Simone de Beauvoir

Mais réaliser des études sur les femmes s'avéra rapidement insuffisant. Cela permettait tout au plus de lutter pour une amélioration de leurs conditions de vie, sans pour autant souligner le caractère contingent, historiquement construit – et donc relatif – de la répartition des tâches entre sexes dans les différentes sociétés. Pour souligner combien les « rôles sexuels » analysés par l'anthropologue Margaret Mead dès 1928 n'ont rien de naturel ni d'immuable mais constituent dans chaque société l'aboutissement d'une construction historique et culturelle, et pour prolonger la distinction établie en 1949 par Simone de Beauvoir entre sexe biologique inné et sexe social acquis (Le Deuxième Sexe), une nouvelle notion devait être utilisée. Dès 1972, dans son essai Sex, Gender and Society, la sociologue féministe britannique Ann Oakley, s'inspirant notamment du psychanalyste Robert Stoller, proposa le terme gender afin de distinguer le sexe, donné biologique, et le genre, construit social variable et évolutif. Là où les différences biologiques seraient données et naturelles, les identités de genre seraient liées à la transmission, à travers divers dispositifs de socialisation (famille, école, médias, culture, amitiés, etc.), de manières d'être, de penser et d'agir orientant chaque individu vers des modèles de la masculinité et de la féminité, vers des identités et des rôles sociaux historiquement attribués à chaque sexe à partir d'une naturalisation des différences sexuelles et de l'idée d'un profond déterminisme biologique.

Quelques années plus tard, en 1988, l'historienne américaine Joan Scott contribua à ajouter à la dimension constructiviste l'idée de relations de pouvoir entre sexes aboutissant en général à une domination masculine dans les sphères privées et publiques. Elle soulignait ainsi que « le genre est un élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir », c'est-à-dire « un champ premier au sein duquel ou par le moyen duquel le pouvoir est articulé ». Les hommes se seraient appuyés sur les différences biologiques, sexuelles, présentées comme naturelles pour justifier une répartition des tâches à leur avantage. Les anthropologues Françoise Héritier et Paola Tabet ont ainsi montré comment ceux-ci ont, dès la protohistoire, monopolisé la fabrication et l'utilisation des outils en se réservant des domaines de compétence privilégiés (chasse, guerre, etc.). Cette ségrégation des domaines d'activité imposée par les hommes au nom d'une force masculine supérieure, destinée en réalité à compenser leur incapacité à enfanter, eut pour conséquence de renvoyer les femmes à des tâches présentées comme mieux adaptées à leur nature spécifique (constitution physique plus faible et maternité censées justifier leur maintien dans des[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en sciences politiques à l'université de Rennes-I, Centre de recherches sur l'action politique en Europe (U.M.R. 6051)

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