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SEXE ET GENRE Enseigner les études sur le genre au lycée

L'année 2011 fut l'occasion de vigoureux débats à propos de l'enseignement de la notion de genre au lycée. Le débat connut l'un de ses paroxysmes à la fin d’août 2011, lorsque quatre-vingts députés de la majorité présidentielle d'alors demandèrent le retrait d'un manuel scolaire de première ES et L, édité par Hachette et destiné à l'enseignement des S.V.T. (sciences de la vie et de la Terre). L'objet de la polémique portait plus particulièrement sur le chapitre 9, qui traitait d'un point mis au programme pour la rentrée 2011 : « Devenir homme ou femme. » Parmi les trois nouveaux manuels publiés pour répondre au changement de programme, l'ouvrage de Hachette fut le seul mis en cause. Son contenu semblait particulièrement dangereux aux députés. Pourtant, l'objectif pédagogique affiché dans le Bulletin officiel publié le 30 septembre 2010 ne les avait pas particulièrement mobilisés jusqu'alors. Comment dès lors comprendre ce soudain émoi ? Quels furent les écrits mis en cause et dans quelle mesure répondaient-ils ou non à l'esprit du décret ? Enfin, plus généralement, quelles conclusions tirer de cet épisode quant à l'opportunité d'un enseignement des théories du genre (genders studies) au lycée ?

À l'origine du débat : deux pages abordant identités et orientations sexuelles

Affiche de J. Howard Miller (1943) - crédits : National Museum of American History/ Smithsonian Institution

Affiche de J. Howard Miller (1943)

Le chapitre « Féminin, masculin » du manuel Hachette consacre deux pages à la question de l'identité et de l'orientation sexuelles. En citant plusieurs études de sciences sociales, l'ouvrage présente des thèses selon lesquelles l'identité sexuelle serait « déterminée par la perception subjective que l'on a de son propre sexe et de son orientation sexuelle ». Celle-ci serait à la fois le fruit d'une « construction de l'esprit » et d'attributs sexuels « influencés par les attentes de la société et les normes culturelles ». Le manuel met l'accent sur le poids de la socialisation, des normes sociales, du « contexte socio-culturel ». Ceux-ci entreraient en interaction avec les données biologiques pour construire, à partir du sexe biologique d'un individu (mâle ou femelle), une identité sexuelle progressivement acquise. Un encadré est consacré à une longue citation du Manuel de sexologie (2007) de Patrice Lopes : « Le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle, mais ce n'est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. » Le manuel introduit l'idée d'une identité sexuelle « en débat », évoquant les notions d'intersexualité et d'hermaphrodisme (difficulté à identifier le sexe biologique d'une personne), pour aborder ensuite la transsexualité (conviction profonde d'un individu d'appartenir à un sexe opposé à celui de son anatomie).

Enfin, l'ouvrage envisage la question de l'orientation sexuelle. Il explique que le désir affectif et sexuel peut porter sur des personnes du même sexe, du sexe opposé ou « indistinctement sur l'un ou l'autre sexe » ( homosexualité, hétérosexualité, bisexualité). Là encore, le poids de la société est fondamental, car « les facteurs affectifs et cognitifs, et surtout le contexte culturel, ont une influence majeure sur la sexualité ». Dans une présentation qui ne porte aucun jugement sur ces sexualités, le manuel Hachette met l'accent sur les difficultés affectives et psychologiques rencontrées par les jeunes qui, au moment de l'adolescence, découvrent une homosexualité qui les expose à l'incompréhension de leur entourage et de la société. Les auteurs soulignent la nécessité d'un cadre juridique permettant le respect de la sexualité des individus, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Le manuel Hachette fut la principale cible des débats, les[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en sciences politiques à l'université de Rennes-I, Centre de recherches sur l'action politique en Europe (U.M.R. 6051)

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Média

Affiche de J. Howard Miller (1943) - crédits : National Museum of American History/ Smithsonian Institution

Affiche de J. Howard Miller (1943)