SEXE ET GENRE Enseigner les études sur le genre au lycée
La réaction des milieux conservateurs
On comprend mieux, dès lors, pourquoi le manuel édité par Hachette fut la principale cible des réactions et pourquoi on reprocha au texte officiel la trop grande marge d'interprétation laissée aux éditeurs et aux enseignants. Les réactions furent nombreuses et généralement vigoureuses. À la fin du mois de mai 2011, le secrétariat général de l'enseignement catholique (notamment responsable des orientations pédagogiques de l'enseignement catholique) mit en garde ses chefs d'établissement contre des manuels qui présentaient le genre comme une construction sociale et endoctrinaient les jeunes. La Confédération nationale des associations familiales catholiques rédigea une pétition (« Défendons la liberté de conscience à l'école ! »). Christine Boutin, présidente du Parti chrétien démocrate, adressa une lettre indignée au ministre de l'Éducation nationale : « Comment peut-on présenter dans un manuel, qui se veut scientifique, une idéologie qui consiste à nier la réalité : l'altérité sexuelle de l'homme et la femme ? [...] Nous ne pouvons accepter que l'école devienne un lieu de propagande, où l'adolescent serait l'otage de préoccupations de groupes minoritaires en mal d'imposer une vision de la „normalité“ que le peuple français ne partage pas. » Déjà clairement opposée au Pacs en 1999, puis au mariage homosexuel et à l'homoparentalité, Christine Boutin entendait poursuivre sa lutte contre les mouvements L.G.B.T. (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels). Dans la continuité de ces protestations, quatre-vingts députés U.M.P. demandèrent au ministre de l'Éducation nationale Luc Chatel le retrait du manuel, accusant celui-ci de présenter une « théorie du genre sexuel » dangereuse, une « théorie philosophique et sociologique » fumeuse dénaturalisant abusivement l'identité sexuelle : « Les personnes ne sont plus définies comme hommes et femmes mais comme pratiquants de certaines formes de sexualités : homosexuels, hétérosexuels, bisexuels, transsexuels. » De son côté, le député européen Bruno Gollnisch (Front national) dénonça une « offensive contre la civilisation européenne ». Si Luc Chatel refusa de faire retirer le manuel, la réponse officielle du cabinet de Nicolas Sarkozy, à l'Élysée, demeura prudente, soulignant que « cela ne signifie en aucun cas que le gouvernement adhère à ces orientations, et encore moins que les élèves et leur famille doivent être contraints de souscrire à de telles conceptions ».
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Écrit par
- Christine GUIONNET : maître de conférences en sciences politiques à l'université de Rennes-I, Centre de recherches sur l'action politique en Europe (U.M.R. 6051)
Classification
Média