SEXISME
Le terme de sexisme sert à désigner l'ensemble des institutions (socio-politiques, économiques, juridiques, symboliques) et des comportements, individuels ou collectifs, qui semblent perpétuer et légitimer la domination des hommes sur les femmes. Il est utilisé, plus couramment, pour caractériser les aspects idéologiques du phénomène et leurs expressions culturelles ou individuelles. Apparu vers le milieu des années soixante aux États-Unis et calqué sur le terme de racisme, il est employé par les différents groupes féministes, alors en voie de constitution, qui, par là, veulent souligner le parallélisme entre les mécanismes de l'oppression raciale et ceux — jusque-là ignorés ou minimisés — de l'oppression des femmes : dans les deux cas des prétextes biologiques (les différences physiques perceptibles : la couleur ou le sexe) servent à justifier des différences de statut entre groupes sociaux.
Mais la domination masculine sur les femmes, qui semble universelle et à laquelle on ne peut assigner une origine historique (contrairement aux allégations d'Engels ou de Bachofen) diffère des autres formes d'« autrisme » (pour reprendre l'expression d'André Langaney), et des autres systèmes d'oppression sociale et ethnique. Cela tient au fait que, si les places respectives des Noirs et des Blancs sont virtuellement interchangeables, il n'en va pas de même de celles des hommes et des femmes : les différences physiques ici ne sont pas de purs symboles, mais correspondent à une spécificité fonctionnelle de chaque sexe à l'égard de la génération. La « différence des sexes » ne relèverait donc pas de la même problématique que la « différence » culturelle sur laquelle insistent un certain nombre de minorités opprimées. Elle est au centre des représentations, mythes et cosmogonies élaborés dans l'imaginaire social, qui informe la réalité sur un mode dualiste et sexomorphique (y compris là où la sexuation n'a aucune pertinence). Dénouer le lien entre différences biologiques, d'une part, et pratique et pensée « autristes », d'autre part, est donc une opération plus complexe dans le cas du sexisme que dans celui du racisme. Alors que les « théories scientifiques » racistes bénéficient difficilement d'un crédit durable, le sexisme apparaît communément comme chose normale et dispense de toute démonstration. Son universalité lui donne l'allure d'un fait de nature : de la réclusion domestique qui culmine dans l'aire arabo-islamique à la fréquence du viol ici ou là, de l'excision, surtout en Afrique, aux « trois K » du nazisme (Küche, Kind, Kirche), de l'infanticide des filles (en Chine notamment) au meurtre des épouses indiennes qui n'ont pas une dot suffisante, de la chasse aux sorcières à la longue exclusion du droit de vote en Europe, chaque culture a produit ses modes propres d'exclusion des femmes. Cependant, alors même que la généralité du sexisme lui sert de justification, sa diversité cache paradoxalement sa réalité : il y aurait, non pas une oppression multiforme, mais de simples traditions culturelles sans aucun rapport entre elles.
Les analyses féministes ont entrepris néanmoins de décrire, sous le terme générique de « système patriarcal », la solidarité des modalités du sexisme, au-delà de leur diversité, ou même de leurs contradictions apparentes : par exemple, la complémentarité pornographie/ordre moral ou conjugalité/prostitution, dans un processus unique de contrôle social des femmes. Il reste que les manifestations du sexisme, plus ou moins brutales, sont plus ou moins susceptibles de changement. Les luttes des femmes, qui se sont développées principalement dans les régimes démocratiques, ont fortement contribué à modifier les rapports entre les sexes, en ouvrant aux femmes des possibilités[...]
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Écrit par
- Marie-Josèphe DHAVERNAS
: rédactrice à la
Bibliographie de la philosophie , membre du collectif de rédaction deLa Revue d'en face , docteur de troisième cycle en histoire. - Liliane KANDEL : psychosociologue au laboratoire de psychologie sociale (C.N.R.S. et université de Paris-VII)
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