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SEXUALITÉ, psychanalyse

Des pulsions partielles au concept de castration

De fait, la théorie psychanalytique ne pouvait éviter d'interroger de plus près le rapport de difficile voisinage du sexuel et du psychique ; et c'est ce qu'aborde Freud avec la théorie des pulsions. Ce qu'il faut retenir de l'expérience sur ce point, c'est que la sexualité n'est représentée dans le psychisme, n'y a son accès et son efficacité que sous la forme de «  pulsions partielles », c'est-à-dire qu'aucune d'elles ne saurait inscrire dans le psychisme une détermination qui situerait l'individu par rapport à un autre individu de sexe opposé. Cela veut dire que Freud, dans son exploration de l'inconscient, ne rencontre que des pulsions soit orales, soit anales, ou encore des pulsions définies par leur rapport avec ces objets bien réels quoique ambigus que sont le regard (voyeurisme et exhibitionnisme) et la voix (sadisme et masochisme) ; chacune de ces pulsions est partielle quant à son but, qui est la satisfaction de cette pulsion et non pas l'union sexuelle, et quant à son objet, qui ne s'identifie en rien avec le partenaire sexuel. La sexualité humaine se présente donc ici avec un caractère typiquement écartelé, morcelé. De plus, l'objet lui-même est « substituable », interchangeable et à la limite indifférent – un coin de mouchoir peut parfaitement remplacer le sein maternel pour la pulsion orale –, ce qui suffit à situer la satisfaction pulsionnelle comme complètement distincte de celle d'un besoin. Loin de se stabiliser dans la saisie d'un objet adéquat, la pulsion ne développe son champ propre qu'à partir du moment où l'objet est foncièrement « perdu », ainsi que le montre le modèle freudien de l'étayage premier de la libido sur les fonctions de conservation : si la pulsion orale se confond d'abord avec le nourrissage, elle n'apparaît justement comme pulsion que quand le sein a été ravi à l'enfant et qu'un vide se trouve ainsi creusé, qui peut être occupé par n'importe quel objet de substitution.

Il s'agit alors de savoir comment, à partir d'une telle économie de l'inconscient, le sujet aborde la relation à l'autre que connote le terme «  amour », depuis un temps qu'il est d'ailleurs possible de dater historiquement. L'amour peut-il être conçu comme l'épanouissement, le point de convergence de ce que l'expérience psychanalytique rencontre comme pulsions partielles ? Le problème est capital, et n'a pas fini de faire débat.

Bien des psychanalystes, s'appuyant sur certaines hésitations de Freud lui-même, ont lutté pour sauver les illusions les plus traditionnelles, en posant que les différentes pulsions partielles représentaient les stades successifs d'une maturation instinctuelle et que l'on avait affaire à un développement ordonné aboutissant à « intégrer » les pulsions partielles en une unité supérieure, à les faire converger vers un stade « adulte » où s'opérerait une transmutation, une fusion des courants infantiles parcellaires en un « stade génital », forme achevée de la libido. Cette position théorique, qui a particulièrement marqué la psychanalyse américaine, s'appuie, pour soutenir la fusion des pulsions partielles, sur des fonctions d'un moi autonome, non conflictuel, capable de synthèse ; mais on peut y dénoncer un contre-sens de départ, puisque justement l'existence de l'inconscient ne permet de situer le moi que comme une formation imaginaire, lieu même de la méconnaissance et alibi le plus ancien de l'infatuation du sujet. Une telle théorie semble bien avoir fait la preuve qu'elle n'avait d'autre effet, voire d'autre but, que la conservation d'un ordre social établi et de ses idéaux reçus.

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