SHANGHAI [CHANG-HAI]
Du temps des concessions à celui de la bourgeoisie chinoise
Shanghai, un des cinq ports « ouverts » aux étrangers dès le traité de 1842, est surtout au xixe siècle un centre commercial, avec sa façade fluviale (Bund), ses hangars (godowns), ses firmes étrangères (hong). Les concessions administrées par les Britanniques et les Français comptaient, vers 1900, une population d'environ 350 000 personnes, dont 7 000 étrangers, et l'agglomération totale environ un million d'habitants. Les concessions, gouvernées par la communauté des résidents étrangers sous le contrôle des consuls, échappaient presque complètement au gouvernement chinois. Aventuriers autochtones et étrangers, contrebandiers et pirates, trafiquants de toute sorte allaient et venaient, s'enrichissant ou se ruinant. Toute cette société interlope n'avait guère avec le reste de la Chine que des liens purement commerciaux ; l'hinterland du port représentait tout le bassin du Yangzi, y compris la majeure partie des districts producteurs de thé et de soie.
Au xxe siècle, la fonction commerciale reste fondamentale. Pour l'indice 100 en 1865, le trafic total du port est à 600 en 1915, à 3 500 en 1935 ; en 1937, c'était le huitième port mondial. Mais Shanghai est surtout devenu le principal centre industriel et financier de Chine. Le grand capitalisme anglais et japonais y est représenté par la Naigai Wata Kaisha (filatures de coton), la British and American Tobacco Co., la Hongkong and Shanghai Banking Corp., la firme Jardine and Matheson. Mais à ses côtés est apparue une grande bourgeoisie chinoise moderne, dans les secteurs de la navigation à vapeur, de la soie et du coton, du tabac, de l'imprimerie. Vers 1930, la ville déborde largement les noyaux primitifs des concessions avec les grands quartiers industriels de Jiabei, Yangshupu, Pudong, Hongkou.
Shanghai se trouve ainsi être à la fois le principal centre de la bourgeoisie d'affaires chinoise, du prolétariat industriel (500 000 personnes vers 1925) et aussi de l'intelligentsia moderne, attirée par cette atmosphère nouvelle, libérée des traditions de la vieille Chine. Elle s'intègre dans la vie publique chinoise. La ville exerce au xxe siècle sur l'ensemble du pays une influence dont elle ne disposait pas au xixe siècle. La bourgeoisie shanghaïenne est très influente, par exemple au moment de la Révolution de 1911 ; en 1927, elle pèsera dans le sens de la rupture entre nationalistes et communistes, et du compromis entre le Guomindang et les Occidentaux. Entre Orient et Occident, modernité et tradition, Shanghai invente, dans les années 1920, une société originale, que ce soit par ses nouveaux standards de vie personnelle et professionnelle, ou par ses choix architecturaux innovants. Une classe moyenne émerge, comme un symbole de cet alliage unique et fragile. Shanghai est aussi le centre du mouvement moderne des idées, avec ses universités chinoises et étrangères, avec ses journaux chinois nombreux et influents, avec ses grandes maisons d'édition comme les Presses commerciales.
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Écrit par
- Jean CHESNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Jean DELVERT : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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