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SHARAKU TŌSHŪSAI (actif 1794-1795)

L'œuvre d'un portraitiste

Les deux premiers groupes d'estampes sont à tous égards les plus remarquables. Sharaku a atteint d'emblée la perfection de son art, notamment dans les portraits en buste, chefs-d'œuvre qui ont consacré sa renommée. D'une part, il y a utilisé de grands raffinements techniques : fonds micacés argentés qui semblent projeter la figure en avant, tracés en creux ou en relief, gaufrages qui font valoir la texture des tissus. D'autre part, il a su se limiter à l'essentiel sans recourir au détail superflu. La ligne, concise, expressive, évoque dans son économie l'ensemble du corps, sa stature, son maintien, son mouvement. La couleur, aux tons sobres et qui fait grand usage de noirs savamment balancés, parvient à suggérer, en dépit des aplats, la masse, le volume ; elle s'accorde au caractère du personnage, ou encore à l'action, les tonalités sombres par exemple mettant l'accent sur les situations les plus dramatiques. Dans les visages au tracé aigu jouent seuls les yeux, les sourcils, la bouche : avec les gestes des mains, ils suffisent à révéler tout à la fois, avec une implacable sûreté, la personnalité de l'acteur et celle qu'il assume dans son rôle.

On a dit de l'art de Sharaku qu'il était cruel et brutal : il l'est en effet, mais comme le sont les drames mêmes du kabuki, longues intrigues pleines de complots, de meurtres, de vengeances. Dans ces estampes, les rôles violents dominent et Sharaku y met à nu, comme nul autre, le contenu psychologique d'un visage. Mais il a su exprimer aussi le charme de ses modèles féminins, par des attitudes empreintes de grâce et des harmonies colorées particulièrement délicates.

Dans le second groupe, les estampes à deux personnages révèlent une grande virtuosité dans l'équilibre de la composition, faisant ressortir le contraste de gestes et de caractères qui s'opposent ou se complètent.

À la fin de 1794 et au début de 1795, l'art de Sharaku paraît moins puissant, moins exceptionnellement sobre et viril. L'intensité dramatique demeure, mais s'accompagne d'une recherche décorative qui se traduit par la complexité des costumes, une abondance d'accessoires, une gesticulation parfois excessive qui détournent l'attention du portrait proprement dit. Les fonds micacés et les autres subtilités de la technique ont été abandonnés, sans doute parce que trop coûteux, soit pour se conformer à des édits d'austérité qui ont marqué l'ère Kansei, soit que ces restrictions aient été imposées par l'éditeur. Les fonds unis sont généralement jaunes ; on voit apparaître aussi des arrière-plans qui permettaient de grouper les personnages d'une même pièce en série. Notons enfin que, durant cette dernière période, la signature Tōshūsai Sharaku ga utilisée au début est simplifiée sous la forme Sharaku ga. Sharaku a eu de nombreux imitateurs, parmi lesquels Kabukidō Enkyō, Utagawa Kunimasa et Utagawa Toyokuni, qui ont perpétué au xixe siècle la tradition des estampes de théâtre. Mais, s'ils se sont inspirés de lui, aucun n'est parvenu à atteindre sa force dramatique, ni surtout la pénétration psychologique qui émane de ses meilleures réalisations.

— Daisy LION-GOLDSCHMIDT

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    ...s'attachèrent à individualiser les portraits de vedettes et à rendre toute la complexité des personnalités. Ce réalisme fut poussé à ses limites ultimes par Tōshūsai Sharaku en 1794-1795 dans des portraits à la fois simples et percutants, qui heurtèrent probablement le public. Mais leur acuité psychologique...