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SHEN CONGWEN (1902-1988)

L'idéaliste et l'esthète

Quels que soient son pittoresque et son aptitude à capter le réel, la visée de l'œuvre de Shen Congwen se situe au-delà du réalisme. L'écrivain est, sur ce point, tributaire de la tradition chinoise tout autant que de son propre tempérament : son roman le plus célèbre, Biancheng (1934, Le Passeur de Chadong), est conçu comme une peinture de paysage, où quelques signes peu nombreux (le bateau, la pagode, les bambous) tissent entre eux des réseaux symboliques. À la discrétion du trait répond celle du sentiment : fuyant les débordements émotionnels, l'écriture de Shen Congwen s'abstrait du monde et oppose le silence de l'esprit au vacarme des événements.

Cette tendance à l'abstraction se précise dans les années 1940, alors que Shen Congwen est sur le point de renoncer à l'écriture. Il formule sa quête au moyen de notions telles que la Vie, le Beau, ou ce qu'il désigne sous le nom de shen, « le Divin, l'Esprit », sans y mettre de connotation religieuse. Amoureux du Beau, il est loin cependant de l'esthétisme occidental conçu comme artifice et citadelle orgueilleuse du Moi : son esthétisme à lui est un mouvement d'adoration envers la nature. Et si le Beau doit devenir la religion de demain, c'est parce qu'il montre à l'homme la voie d'un développement harmonieux et naturel.

— Isabelle RABUT

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Écrit par

  • : professeure émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

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