SHIMAZAKI TŌSON (1872-1943)
La vérité du « naturalisme »
Dès 1906, l'écrivain se réclama du « naturalisme ». Néanmoins, la fiction conservait une large place dans son premier roman. Il voulut y renoncer. Dans Haru (1908, Le Printemps), il se représente lui-même parmi les êtres chers de son adolescence, durant les années de désarroi, entre 1893 et 1896. Seuls les noms de personne avaient été modifiés. Puis il se proposa d'appliquer avec plus de rigueur encore la méthode qu'il avait d'abord choisie d'instinct. Dans Ie (1910-1911, La Maison), il observe le déclin de sa famille, jadis riche et puissante. Elle se disperse. Dans l'incertitude de la grande ville naissent des structures nouvelles.
Ces chefs-d'œuvre sont autobiographiques, et on y vit souvent des « confessions ». Ils font songer, en fait, à certains maîtres du réalisme européen et d'abord à Flaubert. Dans Haru, Tōson ne rêve pas de s'identifier à son passé ; il cherche à montrer les illusions dont lui et ses compagnons furent victimes ; la description contient, implicite, la critique. De même, Ie est à la fois un constat et une enquête ; la phrase devient brève et sèche. Cet art de l'ellipse fait pressentir peu à peu l'organisation rigoureuse de l'ensemble.
Le romancier, que tous s'accordent dès lors à placer parmi les plus grands de sa génération, poursuit sa recherche dans plusieurs domaines parallèles : récits courts (quatre recueils se succèdent entre 1907 et 1913) ; essais, impressions, descriptions (Shinkatamachi yori, 1909, Du quartier de Shinkatamachi) ; souvenirs (Osanaki hi, 1912, Première Enfance).
Des difficultés inattendues interrompent cette progression régulière. Sa femme meurt en 1910. Une liaison avec une nièce le contraint à s'exiler. Il s'embarque pour la France en 1913 et y séjourne jusqu'en 1916. Il revient alors sur sa décision première, rentre au Japon et recourt, une fois encore, à la forme romanesque pour « révéler » ce qu'il avait tenté de « cacher ». Shinsei (Vie nouvelle) paraît en feuilleton de 1918 à 1919. Le livre s'achève quand se séparent ceux qui s'aiment. La voix s'assourdit, à la douleur se mêle comme une certitude.
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Écrit par
- Jean-Jacques ORIGAS : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
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JAPON (Arts et culture) - La littérature
- Écrit par Jean-Jacques ORIGAS , Cécile SAKAI et René SIEFFERT
- 22 458 mots
- 2 médias
...tenta de confondre sa vie et l'expérience romanesque : ce furent Tandeki (1909, L'Enlisement), puis Hōrō(1910, L'Errance). Au même moment, Shimazaki Tōson composait Haru (1908, Le Printemps), Ie(1919-1911, La Famille). Tokuda Shūsei (1871-1943) écrivait Kabi (1911, Moisissures), Tadare...