SHIMAZAKI TŌSON (1872-1943)
Le versant de la nuit
Après cette crise, il produit moins, mais son activité ne s'interrompt pas. Il renoue avec son passé. Il retrace, dans Aru onna no shōgai (1921, Une vie de femme), la fin de sa sœur aînée, dont les dernières années furent menacées par la démence. Dans Arashi (1926, La Tempête), il voit ses enfants grandir, lui échapper et partir « dans la tempête ». Ces récits alternent avec des textes plus descriptifs : il rédige ses Nouvelles d'Iikura (Iikura-dayori, 1922), rassemble ses croquis de France sous le titre L'Étranger (Etoranzee, 1922), rapporte d'un voyage qu'il fait avec l'un de ses fils sur les côtes de la mer du Japon San.in-miyage (1927, Souvenir du « Pays de l'ubac »).
À partir de 1929, il réalise un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Il revient à ce relais de Magome où son père avait dirigé les affaires du village, remonte plus loin dans le temps jusqu'aux années qui précédèrent le bouleversement de Meiji, afin de suivre dans toutes leurs ramifications l'histoire de sa famille et celle de la vallée. Yoake-mae (Avant l'aube) fut achevé en 1935. Il y avait travaillé six ans, et l'ampleur de l'ouvrage étonne encore aujourd'hui. Shimazaki Tōson ne put mener à son terme son dernier roman, Tōhō no mon (Porte de l'Est). Il meurt à Tōkyō en 1943.
Par leurs sujets, ces œuvres évoquent souvent la période « naturaliste ». Mais le ton diffère, et nombre d'entre elles sont d'une beauté saisissante, toute nouvelle. Le romancier entre dans le courant souterrain de l'histoire ; il reconstitue l'évolution, lente et déconcertante, d'un être, d'une collectivité. La phrase se fait plus discrète, plus souple. À tout moment affleure le langage parlé. Il naît une curieuse impression d'intimité. Jamais le narrateur n'a semblé plus proche. Sa voix est calme. Tour à tour se dessine sur ses lèvres l'expression de la sympathie, de l'effroi ou de l'humour, mais ce sont des mouvements légers, sans nulle insistance.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Jacques ORIGAS : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
JAPON (Arts et culture) - La littérature
- Écrit par Jean-Jacques ORIGAS , Cécile SAKAI et René SIEFFERT
- 22 458 mots
- 2 médias
...tenta de confondre sa vie et l'expérience romanesque : ce furent Tandeki (1909, L'Enlisement), puis Hōrō(1910, L'Errance). Au même moment, Shimazaki Tōson composait Haru (1908, Le Printemps), Ie(1919-1911, La Famille). Tokuda Shūsei (1871-1943) écrivait Kabi (1911, Moisissures), Tadare...