VERRETT SHIRLEY (1931-2010)
Si la voix de la voix de mezzo-soprano constitue l'un des éléments les plus caractéristiques des opéras de Verdi, Shirley Verrett, par sa diversité et la richesse de sa palette expressive, est assurément la chanteuse verdienne des temps modernes. Dans les personnages d'Ulrica (Un ballo in maschera), d'Azucena (Il trovatore), d'Amneris (Aïda) ou bien encore d'Eboli (Don Carlo), qu'elle campe avec aplomb, sa projection vocale et sa présence propres à enflammer le théâtre le démontrent éloquemment. Dotée, comme sa rivale Grace Bumbry, d'une voix ample mais flexible de falcon (soprano dramatique grave), elle osera à son tour une troublante Lady Macbeth et affrontera sur les plus grandes scènes les sopranos dramatiques, néo-classiques ou romantiques. Paris se souvient ainsi de sa Médée de Cherubini autant que de son Iphigénie ou de son Alceste gluckistes, transcendées par une fulgurante présence dramatique, une diction souveraine et une beauté sculpturale.
Marian Anderson est la première de ces grandes dames noires qui ont offert à l'art lyrique de nouvelles et somptueuses couleurs. À l'instar de Leontyne Price, de Grace Bumbry, de Jessye Norman ou de Kathleen Battle, Shirley Verrett s'inscrit indubitablement dans sa lignée.
Shirley Verrett naît le 31 mai 1931, à La Nouvelle-Orléans, dans une famille aisée dont les convictions strictes d'adventistes du septième jour lui interdisent d'envisager une carrière à l'opéra ; en revanche, ses parents ne sont pas opposés à ce qu'elle se produise en concert. Elle passe sa jeunesse à Oxnard, en Californie – où sa famille s'est établie afin de fuir le Deep South ségrégationniste –, et exerce d'abord la profession d'agent immobilier, avant de prendre des cours de chant avec la soprano Anna Fitziu, puis, à partir de 1955, avec Marion Székely-Freschl à la prestigieuse Juilliard School of Music de New York. Elle débute professionnellement en 1957, à Yellow Springs (Ohio), dans le rôle-titre du Viol de Lucrèce de Benjamin Britten. En 1958, sous le nom de Shirley Verrett-Carter, elle monte pour la première fois sur la scène du New York City Opera (Irina, Lost in the Stars de Kurt Weill). 1959 voit ses débuts européens, à Cologne (la Bohémienne, lors de la création de Der Tod des Grigori Rasputin de Nicolas Nabokov). En 1962, elle triomphe dans le rôle-titre de Carmen de Bizet au festival Di Due Mondi de Spoleto, en Italie. Sa carrière prend son essor : elle reprend ce rôle emblématique à l'Opéra de Kiev et au Bolchoï de Moscou (1963), au New York City Opera (1964), pour ses débuts à la Scala de Milan, en 1966, et au Metropolitan Opera de New York (début le 21 septembre 1968, au côté de Jon Vickers en Don José). Elle débute au Covent Garden de Londres en 1966 (Ulrica) et à la Staatsoper de Vienne en 1970 (Eboli). Au Met, elle incarne encore Eboli, Amneris, Azucena, Judith (Le Château de Barbe Bleue de Bartók) ; elle y triomphe dans Les Troyens de Berlioz le 22 octobre 1973 au côté de Jon Vickers (Énée), réalisant un tour de force entré dans les annales en incarnant deux rôles dans la même soirée : celui de soprano de Cassandre dans la première partie, La Prise de Troie, celui de mezzo-soprano de Didon dans la seconde partie, Les Troyens à Carthage, où elle remplace au pied levé Christa Ludwig, malade ; elle y connaît également de grand succès en Néocles (Le Siège de Corinthe de Rossini en 1975, face à Beverly Sills en Pamira), Adalgisa (Norma de Bellini en 1976), Madame Lidoine en 1977, au côté de Régine Crespin (pour la première au Met des Dialogues des Carmélites de Poulenc). Elle aborde progressivement les rôles de sopranos dramatiques, avec Lady Macbeth (Macbeth de Verdi), la rare Sélika (L'Africaine de Meyerbeer, Opéra de San Francisco, 1972), Donizetti (Leonora, La Favorita au Met, en 1978,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean CABOURG : critique musical, agrégé de lettres modernes
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification